La Cour de cassation tranche une controverse…
Lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte physiquement à reprendre son poste de travail, l'employeur doit recueillir l'avis du comité social et économique (CSE) sur les possibilités de reclassement de ce salarié (C. trav. art. L 1226-2, al. 3 en cas de maladie et d'accident non professionnels ; C. trav. art. L 1226-10, al. 2 en cas de maladie et d'accident professionnels). Le non-respect de cette obligation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, que l'inaptitude physique soit d'origine professionnelle (C. trav. art. L 1226-15) ou non professionnelle (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-11.974 FS-PBI).
Par ailleurs, l'employeur peut rompre le contrat de travail de tout salarié déclaré inapte par le médecin du travail s'il justifie de la mention expresse dans l'avis de ce dernier que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (C. trav. art. L 1226-2-1, al. 2 en cas de maladie et d'accident non professionnels ; C. trav. art. L 1226-12, al. 2 en cas de maladie et d'accident professionnels).
Mais est-ce que l'obligation de consulter le CSE s'impose lorsque l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ? La question était controversée au niveau des cours d’appel.
Si les cours d'appel de Lyon et de Fort-de-France avaient estimé que le licenciement pour inaptitude physique d'un salarié n'était pas privé de cause réelle et sérieuse en l'absence de consultation du CSE sur son reclassement dès lors que l'employeur avait été expressément dispensé de rechercher un reclassement par le médecin du travail (CA Lyon 5-11-2021 n° 19/01393 ; CA Fort-de-France 17-12-2021 n° 19/00151), la cour d'appel de Bourges avait considéré à l'inverse qu'un tel licenciement était sans cause réelle et sérieuse (CA Bourges 19-11-2021 n° 21/00153).
La position de la Cour de cassation sur cette question était attendue par les praticiens. Certains employeurs, par prudence, continuaient de consulter leur CSE afin d’éviter le risque contentieux, quitte à alourdir inutilement l’agenda, déjà chargé, de cette instance. L’arrêt du 8 juin 2022, publié au bulletin des chambres civiles de la Cour de cassation, tranche le débat.
… et dispense le CSE d’une consultation inutile
En l’espèce, une salariée victime d’un accident du travail est déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail avec mention expresse dans l’avis d’inaptitude que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, puis est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Estimant que les représentants du personnel auraient dû être consultés sur son reclassement préalablement à son licenciement, elle saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour irrégularité tenant au défaut de consultation des représentants du personnel.
La cour d’appel de Chambéry fait droit à sa demande en retenant que, quelle que soit l’origine de l’inaptitude, l’employeur a l’obligation de solliciter l’avis du CSE en application des articles L 1226-2 et L 1226-10 du Code du travail, que la consultation doit être faite même en l’absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des représentants du personnel est sanctionné par l’article L 1226-15 du Code du travail.
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et censure la décision des juges du fond. Pour elle, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les représentants du personnel. La cour d’appel ne pouvait donc pas accéder à la demande de la salariée en paiement de dommages et intérêts en raison du défaut de consultation de ces derniers alors qu’elle avait constaté que l’avis du médecin du travail mentionnait que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
A notre avis :
La solution présente le mérite de la simplicité. On voit mal, en effet, quel serait l’intérêt pour l’employeur comme pour le salarié de solliciter l’avis du CSE sur un reclassement qui, dans cette hypothèse, est par définition considéré comme impossible.
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