Les conditions de constitution, de fonctionnement et de dissolution des fonds de pérennité institués par la loi 2019-486 du 22 mai 2019 (Loi Pacte art. 177 : BRDA 10/19 inf. 16) devaient être précisées par décret pour que de tels fonds puissent voir le jour et devenir, c’est l’objet de la mesure, les actionnaires stables des entreprises dont les parts ou actions leur sont apportées à titre gratuit.
Ce décret vient de paraître ; il est entré en vigueur le 9 mai 2020. Nous en présentons ci-après les dispositions essentielles.
Déclaration de création du fonds de pérennité
La déclaration de création du fonds de pérennité en préfecture doit mentionner la date à laquelle elle est établie ainsi que la dénomination, l'objet et le siège du fonds de pérennité, la durée pour laquelle il est constitué, la date de clôture de son exercice ainsi que les nom, prénoms, dates et lieux de naissance, professions, domiciles et nationalités des membres du conseil d'administration et du comité de gestion. La préfecture doit en délivrer récépissé dans un délai de cinq jours (Décret 2020-537 art. 2, I-al. 1).
La publication de la déclaration de création du fonds au Journal officiel incombe à ses fondateurs. Elle est faite à leurs frais et doit mentionner la dénomination et le siège du fonds de pérennité, son objet, sa durée, ainsi que la date de la déclaration (Décret art. 2, I-al. 2).
Formalités relatives aux statuts et à leur modification
Il appartient au fonds de pérennité d’assurer la publication de ses statuts et de leur modification sur le site internet de la direction de l'information légale et administrative (Dila) : dila.premier-ministre.gouv.fr (Décret art. 2, III).
Le fonds de pérennité est tenu d’informer la préfecture de toute modification de ses statuts dans un délai de trois mois. La déclaration de modification des statuts à déposer en préfecture doit indiquer les mêmes mentions que la déclaration de création du fonds (n° 2). La publication de cette déclaration au Journal officiel incombe au conseil d'administration du fonds et est faite aux frais de ce dernier (Décret art. 2, I).
Inaliénabilité des titres ou parts apportés
Les titres ou parts apportés au fonds qui sont rendus inaliénables doivent être indiqués dans une annexe aux statuts (Loi Pacte art. 177, III). Celle-ci doit faire apparaître, pour chaque catégorie des titres ou parts concernés, le pourcentage de capital et de droits de vote qu'ils représentent (Décret art. 2, II).
Rappelons qu’échappent à l’inaliénabilité les titres ou parts d’une société correspondant à la fraction du capital social non nécessaire à l'exercice par le fonds du contrôle sur la société (Loi art. 177, IV).
Publicité et contrôle des comptes du fonds de pérennité
Le fonds de pérennité doit, on le rappelle, établir et publier des comptes annuels dans les six mois de la clôture de l'exercice (Loi Pacte art. 177, VIII). Cette publicité est assurée sur le site internet de la Dila (Décret art. 8).
La loi impose aussi aux fonds de pérennité dont les ressources dépassent 10 000 € de nommer au moins un commissaire aux comptes (Loi Pacte art. 177 , VIII).
Les fonds soumis à cette obligation doivent mettre leurs comptes annuels à disposition du commissaire aux comptes au moins 45 jours avant la date de la réunion du conseil d'administration convoquée pour leur approbation. Le rapport d'activité du fonds doit y être joint (Décret art. 7, al. 1). Il appartient alors au commissaire aux comptes de certifier les comptes annuels et de vérifier leur concordance avec le rapport d'activité (art. 7, al. 2).
Contrôle administratif de la gestion du fonds de pérennité
Le rapport d'activité du fonds, les comptes annuels et, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes doivent être adressés à la préfecture dont dépend le fonds par lettre recommandée AR dans les six mois de la clôture de l'exercice (Décret art. 4, al. 1).
A défaut de rapport d’activité ou en présence d’un rapport d'activité incomplet, l'autorité administrative compétente (une « mission » du Contrôle général économique et financier désignée par arrêté du ministre de l'économie) peut mettre en demeure le fonds de pérennité de se conformer à ses obligations dans un délai d'un mois (art. 4, al. 2).
Le rapport d'activité du fonds à adresser à la préfecture doit être soumis à l'approbation du conseil d'administration du fonds et contenir les éléments suivants pour la période à laquelle il se rapporte (Décret art. 3) :
- un compte-rendu de l'activité du fonds, qui porte tant sur son fonctionnement interne que sur ses rapports avec les tiers ;
- un compte-rendu de la façon dont le fonds de pérennité a géré les titres ou parts composant sa dotation, exercé les droits de vote et les autres droits qui y sont attachés et utilisé ses ressources ;
- le cas échéant, la liste des œuvres ou missions d'intérêt général réalisées ou financées par le fonds de pérennité, le montant de ces réalisations ou financements ainsi que la liste des personnes bénéficiaires.
Lorsque l'autorité administrative compétente constate un dysfonctionnement grave affectant la réalisation de l'objet du fonds de pérennité, elle met en demeure le fonds de pérennité d'y remédier dans le délai de six mois (Décret art. 6, al. 1).
Constituent un tel dysfonctionnement (art. 5) :
- le fait pour le fonds de pérennité de disposer ou de consommer tout ou partie de sa dotation en violation des règles légales ou statutaires ou encore le fait de disposer de ses ressources en violation de son objet statutaire ;
- le fait pour le fonds de ne pas respecter ses obligations en matière comptable (nos 7 et 8) ou celles prévues pour la mise en œuvre de la procédure d’alerte (nos 12 s.) ;
- le fait pour le fonds de ne pas avoir adressé les rapports d'activité à la préfecture durant deux exercices consécutifs malgré la mise en demeure qui lui a été faite.
Procédure d’alerte
La procédure d’alerte prévue par la loi lorsque le commissaire aux comptes relève, à l'occasion de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'activité du fonds doit être engagée par le commissaire sans délai, par lettre recommandée AR (Décret art. 9, al. 1 et 2).
Le délai de réponse du conseil d'administration du fonds aux demandes d'explication du commissaire aux comptes est de 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandée (art. 9, al. 3).
Le rapport spécial à établir par le commissaire aux comptes en l’absence de mesures suffisantes prises par le conseil d'administration doit être transmis à celui-ci dans les 15 jours à compter de sa réponse (art. 9, al. 4).
Lorsque, à la suite de son rapport, le commissaire aux comptes invite le conseil d'administration du fonds à délibérer sur les faits en cause, il lui appartient de fixer la date de réunion du conseil dans un délai qui ne peut excéder huit jours à compter de la date du rapport ; le commissaire fixe aussi l'ordre du jour et le lieu de cette réunion, dont les frais sont mis à la charge du fonds de pérennité (art. 9, al. 5).
Dissolution du fonds de pérennité
Lorsque l'autorité administrative compétente (voir n° 9) décide de saisir le juge en vue de dissoudre le fonds de pérennité, elle doit notifier sa décision au conseil d'administration et au commissaire aux comptes du fonds ainsi qu’au préfet du département dans le ressort duquel le fonds a son siège ; elle publie sa décision au Journal officiel aux frais du fonds (Décret art. 6, al. 2). En l’absence de précision dans le texte sur le point de savoir si le non-respect de ces prescriptions rend la demande de dissolution irrecevable, la question reste en suspens.
La dissolution du fonds de pérennité doit faire l'objet d'une publication au Journal officiel aux frais du fonds. En cas de dissolution dans les conditions fixées par les statuts, cette publication incombe au conseil d'administration du fonds. En cas de dissolution judiciaire, elle incombe au liquidateur désigné par le juge (Décret art. 10).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 17702