Cinq membres d'une même famille souscrivent, par l'intermédiaire d'une banque, plusieurs contrats d'assurance-vie en unités de compte (UC) composées de parts de différents fonds de placement. Sur proposition de la banque, ils modifient la composition des UC et acquièrent des parts d'un fonds commun de placement dénommé « Alpha ». Moins de trois ans après, la banque leur conseille de céder la totalité des parts de ce fonds ayant causé de lourdes pertes. Lui reprochant un manquement à ses obligations d'information et de conseil, les souscripteurs assignent la banque en responsabilité. Cette dernière est condamnée à indemniser les intéressés de leur préjudice pour perte de chance d'éviter les moins-values constatées sur les UC investies dans le fonds Alpha, cette perte de chance ne pouvant pas, selon la cour d'appel, être compensée par les performances des réinvestissements effectués sur d'autres supports.
La Cour de cassation confirme que le manquement d'un assureur ou d'un courtier à son obligation d'informer, à l'occasion d'un arbitrage, le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie libellé en UC sur le risque de pertes présenté par un support d'investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d'un tel risque, prive le souscripteur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes.
Elle ajoute que, si ces pertes ne se réalisent effectivement qu'au rachat du contrat d'assurance-vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l'objet d'un désinvestissement, le préjudice résultant d'un tel manquement doit être évalué au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l'ensemble du contrat, mais de la moins-value constatée sur ce seul support, modulée en considération du rendement que, dûment informé, le souscripteur aurait pu obtenir, jusqu'à la date de rachat du contrat, du placement des sommes initialement investies sur ce support.
À noter : Dans cette même affaire, la Haute Juridiction avait une première fois censuré les juges du fond et précisé que le préjudice subi ne pouvait être indemnisé qu'une fois les pertes effectivement réalisées, c'est-à-dire une fois le contrat racheté (Cass. com. 22-2-2017 no 15-18.371 FS-D). Elle confirme ce point ici, et ajoute que le préjudice ne doit pas être évalué au regard de la variation de la valeur de rachat de l'ensemble du contrat, ce qui aurait pour conséquence de pénaliser le souscripteur en compensant sa perte de chance (d'éviter les moins-values constatées sur le support en cause) par les plus-values réalisées sur d'autres supports.
Rémy FOSSET
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Patrimoine n° 28115