La nouvelle rédaction de l’article L 1235-2 du Code du travail par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative aux modifications introduites dans la motivation de la lettre de licenciement et aux conséquences d’une motivation insuffisante, a fait couler beaucoup d’encre. Mais lorsque le salarié est un salarié protégé, une autre insuffisance de motivation de la part de l’employeur peut faire obstacle au licenciement : celle de la lettre par laquelle il demande à l’administration d’autoriser ce licenciement.
Exigence de précision en matière de licenciement économique
Une autorisation administrative de licenciement délivrée au vu d’une demande insuffisamment motivée est illégale (CE 20-3-2009 n° 308346 : RJS 7/09 n° 646 , Lebon T p. 977). Cette rigueur peut se comprendre. Car, tout comme la lettre de licenciement fixe, pour le juge judiciaire, les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement (Cass. soc. 13-11-1991 n° 88-43.523 P : RJS 1/92 n° 27 ; Cass. soc. 4-7-2012 n° 11-17.469 F-D : RJS 10/12 n° 783), la lettre de demande d’autorisation de licenciement fixe les limites du pouvoir de l’administration en ce qui concerne les motifs de sa propre décision. Par exemple, un licenciement présenté sur un terrain économique ne peut pas être autorisé sur le terrain disciplinaire, même si les faits relatés par l’employeur le permettent (CE 21-12-2001 n° 215185 : RJS 3/02 n° 305 , Lebon T p. 1215).
L’intérêt de l’arrêt du Conseil d'Etat du 26 septembre 2018 est, d’abord, d’avoir rappelé cette exigence en la déclinant sur les différentes hypothèses de motif économique. La motivation de la lettre de demande ne peut pas se contenter d’invoquer une réorganisationdans sa généralité. Elle doit préciser – enfermant ainsi par avance le champ d’examen de l’autorité administrative – s’il s’agit d’un motif tenant à des difficultés économiques, à une mutation technologique ou à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
La demande peut-elle faire référence à une annexe ?
L’intérêt de cet arrêt est aussi d’introduire, sur le sujet de la « motivation par référence », une nuance par rapport à la manière dont un précédent de 2009 avait pu être compris (voir CE 20-3-2009 n° 308346 précité).
Il est ainsi précisé par le Conseil d’Etat qu’une motivation qui fait référence à un autre document n’est pas, de ce seul fait, irrégulière : l’employeur peut faire figurer le motif du licenciement dans une pièce annexe qu’il indique avec précision. Mais en revanche, un tel renvoi ne doit pas obliger l’administration à faire un travail de déduction pour comprendre ce qu’est le motif du licenciement demandé. Ce motif peut figurer en annexe, il ne doit pas se déduire des annexes. Même si la déduction est évidente et paraît s’imposer.
L’espèce l’illustre bien : le courrier de demande ne faisait référence qu’à une « réorganisation » de l’entreprise, mais les documents joints, notamment un rapport au comité d’entreprise, établissaient clairement que cette réorganisation était destinée à sauvegarder la compétitivité. Le bon sens imposait d’en déduire que le motif de licenciement était celui-ci, et la cour administrative d’appel l’avait admis. Mais le Conseil d’Etat rappelle que la règle de forme est plus stricte.
Pour en savoir plus sur la rupture du contrat de travail des représentants du personnel : voir Mémento Social nos 63300 s.