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Demande de retour de l'enfant enlevé : condamnation du formalisme procédural excessif

En faisant prévaloir le principe de l'obligation, pour le ministère public, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a rendu irrecevables les prétentions du père tendant au retour des enfants, le juge du fond a fait preuve d'un formalisme excessif.

Cass. 1e civ. 5-4-2023 n° 22-21.863 FS-B


Par Emmanuel de LOTH
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©Gettyimages

Un couple donne naissance à trois enfants. Quelques mois après la naissance du dernier, la famille s’installe à l’île Maurice. Cinq ans plus tard, à l’issue des fêtes de fin d’année, la mère, partie en France avec les enfants, s’oppose à leur retour à l’île Maurice. Le père saisit alors l’autorité centrale de l’île Maurice en vue d’obtenir le retour immédiat des enfants sur le fondement de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Moins de six mois plus tard, le procureur de la République compétent en France saisit à cette fin le juge aux affaires familiales, le père intervenant volontairement à l’instance. Par ordonnance de référé, le JAF constate que le non-retour des enfants à l’île Maurice est illicite mais rejette la demande de retour au motif qu’il existe un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.

L’appel du ministère public est déclaré irrecevable pour n’avoir été formalisé que sur support papier, sa transmission le même jour au greffe par voie électronique ayant échoué en raison d’une erreur du ministère public sur le type d’adresse accepté par le réseau privé virtuel des avocats. Or, la communication électronique avec le greffe s’impose au ministère public lorsqu’il est partie principale, celui-ci n’étant autorisé à établir la déclaration d’appel sur support papier qu’en cas d’impossibilité de la transmettre par voie électronique pour une cause étrangère. La cour d’appel estime que tel n’est pas le cas en l’espèce.

Par voie de conséquence, l’appel incident du père n’est pas examiné. Ce dernier porte l’affaire devant la Cour de cassation.

La Haute Juridiction statue au visa de l’article 6, paragraphe 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (droit à un procès équitable), des articles 6 et 7 de la convention de La Haye (rôle des autorités centrales) et de l’article 1210-4 du CPC (rôles respectifs de l’autorité centrale et du procureur de la République). Elle rappelle par ailleurs que la Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt H. c/ France du 5 novembre 2015 (n° 21444/11), a retenu qu'au vu des conséquences entraînées par l'irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l'irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur, qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la convention de La Haye, le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge. En effet, le requérant n'avait pu voir examiner par la Cour de cassation l'argument principal soulevé, à savoir qu'il n'existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l'article 13 a) de la convention de La Haye, alors que la procédure de retour d'enfants est susceptible d'avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.

Transposant cette solution à l’affaire rapportée, la Cour de cassation censure la cour d'appel pour avoir fait preuve d’un formalisme excessif en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat des enfants le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par le père en qualité d’appelant incident.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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