Un salarié mis à la retraite par son employeur signe, le 25 mars 2009, un reçu pour solde de tout compte mentionnant son indemnité de départ. Il saisit le conseil de prud’hommes le 18 septembre 2009 de plusieurs demandes, et notamment d’un rappel d’indemnité de mise à la retraite. Cette saisine valait-elle dénonciation du reçu pour solde de tout compte et, si oui, le délai de dénonciation de 6 mois prévu par l’article L 1234-20 du Code du travail a-t-il été respecté ? Dans un arrêt destiné à être publié au bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation répond à ces deux questions en reprenant les principes issus de sa jurisprudence antérieure à 2002.
A noter : pour rappel, jusqu’en 2002, la loi conférait au reçu pour solde de tout compte une valeur libératoire, sauf à être dénoncé par le salarié dans les 2 mois de sa signature. La loi 2002-73 du 17 janvier 2002 a supprimé la portée libératoire du reçu, qui n’avait plus que valeur d’un simple récapitulatif des sommes versées au salarié au moment de la rupture de son contrat. Mais la loi 2008-596 du 25 juin 2008 est de nouveau revenue sur la portée juridique du reçu : celui-ci peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
La convocation devant le bureau de conciliation vaut dénonciation du reçu pour solde de tout compte …
A compter du jour où il signe le reçu pour solde de tout compte, le salarié dispose de 6 mois pour dénoncer le montant des sommes qui y sont répertoriées (C. trav. art. L 1234-20). S’agissant de la forme de la dénonciation du reçu, l’article D 1234-8 du Code du travail dispose qu’elle est faite par lettre recommandée. Mais la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes produit les mêmes effets qu’une dénonciation du reçu par lettre adressée à l’employeur (Cass. soc. 1-3-1989 : RJS 4/89 n° 326 ; Cass. soc. 5-10-1993 n° 89-41.800 F-D).
Cette jurisprudence n’avait plus vocation à s’appliquer sous l’empire des dispositions du Code du travail applicables entre 2002 et 2008. Mais elle a retrouvé tout son intérêt depuis que le reçu pour solde de tout compte est redevenu libératoire pour l’employeur à défaut de dénonciation par le salarié. L’arrêt du 7 mars 2018 de la Cour de cassation reprend, à l’identique, ce principe pour l’application des dispositions du Code du travail actuellement en vigueur.
Ainsi, le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé soit par lettre adressée directement à l’employeur (le cas échéant, par l’avocat du salarié : Cass. soc. 8-10-1996 n° 92-41.775 PF : RJS 11/96 n° 1173), soit par saisine du conseil de prud’hommes.
… si elle est reçue par l’employeur dans le délai de 6 mois
Pour pouvoir produire les effets d’une dénonciation du reçu pour solde de tout compte, la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes doit être reçue par l’employeur avant l’expiration du délai de 6 mois prévu par l’article L 1234-20 du Code du travail. C’est la seconde précision apportée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 7 mars 2018.
En l’espèce, la cour d’appel avait déclaré recevable la demande du salarié en rappel d’indemnité de préavis en s’attachant à la date de saisine par l’intéressé du juge prud’homal. Or, l’employeur n’avait reçu sa convocation devant le bureau de conciliation qu’après expiration du délai de 6 mois : l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte était consommé, et l’action du salarié en rappel d’indemnité n’était pas recevable.
Là encore, la Cour de cassation reprend un principe déjà retenu sous l’empire des dispositions du Code du travail antérieures à 2002 (Cass. soc. 1-3-1989 : RJS 4/89 n° 326 ; Cass. soc. 5-10-1993 n° 89-41.800 F-D).
A noter : ainsi, en cas de « dénonciation judiciaire » du reçu pour solde de tout compte, l’expiration du délai de 6 mois s’apprécie à la date de réception par l’employeur de la convocation devant le juge. En revanche, lorsque le salarié dénonce le reçu par lettre recommandée, l’expiration du délai s’apprécie à la date d’expédition de cette lettre, et non à la date de sa réception par l’employeur (Cass. soc. 16-5-2000 n° 96-43.218 FS-P : RJS 7-8/00 n° 803). Le salarié dispose donc de quelques jours de plus s’il opte pour cette dernière solution.
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus sur le reçu pour solde de tout compte : voir Mémento Social nos 69530 s.