L’employeur peut renoncer unilatéralement à l’application d’une clause de non-concurrence dès lors que cette faculté est prévue dans le contrat de travail ou la convention collective (Cass. soc. 22-2-2006 n° 04-45.406 F-D ; Cass. soc. 28-3-2007 n° 06-40.293 F-D). A défaut, l’accord du salarié à la levée de la clause est requis. Le salarié est alors délié de son obligation de non-concurrence tandis que l’employeur n’est pas tenu de lui verser l’indemnité compensant cette sujétion.
La mise en œuvre de cette faculté donne lieu à un contentieux abondant, comme l’illustre un récent arrêt de la Cour de cassation, destiné à être publié au bulletin des chambres civiles de la Cour.
Un abandon de poste en cours de préavis
En l’espèce, l’employeur pouvait, en application du contrat de travail, renoncer à l’application de la clause de non-concurrence en informant par écrit le salarié dans un délai maximal de 30 jours suivant la fin effective du travail, définie comme la fin du préavis effectué ou le début du préavis non effectué.
Le salarié avait démissionné puis quitté l’entreprise en n’ayant exécuté qu’une partie de son préavis de 3 mois dont il n’avait pourtant pas été dispensé. L’employeur avait renoncé à l’application de la clause de non-concurrence avant la fin du préavis de 3 mois mais plus de 30 jours après le départ effectif du salarié de l’entreprise.
Le salarié estimait que les stipulations de son contrat de travail relatives à la levée de la clause de non-concurrence devaient être interprétées strictement : la renonciation de l’employeur aurait été faite hors délai, ce qui aurait justifié le versement de l’indemnité de non-concurrence.
L'argument est rejeté par la Cour de cassation : le salarié n’ayant pas été dispensé de l’exécution de son préavis, la levée de la clause au cours de cette période est valable, même si l’intéressé a cessé d’exécuter son travail. En d’autres termes, la date du départ effectif du salarié de l’entreprise importait peu, car le salarié ne prouvait pas avoir obtenu l’accord de l’employeur pour cesser le travail.
En pratique : le salarié ne peut pas, de son propre chef, décider de cesser d’exécuter son préavis. S’il sollicite de l’employeur une dispense d’exécution, ce dernier n’est pas tenu de la lui accorder et peut exiger que l’intéressé continue son travail. Par conséquent, le salarié commet une faute en abandonnant son poste (voir en ce sens Cass. soc. 18-6-2008 n° 07-42.161 FS-PB). Ainsi, en l’espèce, l’employeur était fondé à considérer que le contrat de travail était toujours en cours d’exécution malgré l’abandon de poste du salarié.
La solution aurait-elle été différente si la dispense avait été accordée ?
Si le salarié avait été dispensé de préavis dès la notification de sa démission, les stipulations contractuelles relatives aux modalités de levée de la clause de non-concurrence n’auraient pas pu s’appliquer.
En effet, la Cour de cassation juge qu’en cas de dispense de préavis, l’employeur doit renoncer à l’application de la clause de non-concurrence au plus tard à la date du départ effectif du salarié, peu important les stipulations ou dispositions contraires sur ce point (Cass. soc. 13-3-2013 n° 11-21.150 FS-PB ; Cass. soc. 21-1-2015 n° 13-24.471 FS-PB). Le salarié doit être informé de la levée de la clause au plus tard le jour de son départ de l'entreprise. Passé cette date, la renonciation de l'employeur étant tardive, il a droit au paiement de la contrepartie financière.
La clause fixant les modalités de renonciation à l’obligation de non-concurrence aurait-elle également été écartée si le salarié avait obtenu l’accord de l’employeur pour cesser le travail en cours de préavis ? Probablement, selon nous, le principe retenu par la Cour de cassation étant en effet que le salarié ne peut pas être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler (voir notamment, à propos d’une stipulation autorisant l’employeur à renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l’exécution de celle-ci : Cass. soc. 13-7-2010 n° 09-41.626 FS-PBR).
En pratique : une question, à notre connaissance non encore tranchée par la Cour de cassation, reste en suspens. Les stipulations contractuelles ou conventionnelles qui, comme en l’espèce, autorisent l’employeur à renoncer à l’application de la clause de non-concurrence dans un certain délai après le terme du préavis exécuté, alors que le salarié a cessé effectivement son travail, sont-elles valables ?
L’arrêt du 21 septembre 2018 ne répond pas à cette question, qui n’était pas soulevée en l’espèce. Mais, par prudence, on conseillera aux employeurs qui se trouveraient dans une telle situation de veiller à lever la clause de non-concurrence avant la fin du préavis exécuté.
Pour en savoir plus sur la clause de non-concurrence : Voir Mémento Social nos 69620 s.