Interrogée sur la dépréciation d’un droit au bail dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, la CNCC en profite pour rappeler plusieurs points importants lors de la mise en œuvre d’un test de dépréciation.
Quand réaliser le test de dépréciation ?
En cas d’existence d’un indice de perte de valeur
Le fonds commercial (et l’écart d’acquisition dans les comptes consolidés) non amortissable doit être testé à chaque clôture, qu’il existe ou non un indice de perte de valeur à la clôture. Pour tous les autres actifs, l'entité doit apprécier à chaque clôture des comptes s'il existe un indice montrant qu'un actif a pu perdre de sa valeur. Ce n’est que lorsqu'il existe un indice de perte de valeur sur l’actif, il doit faire l'objet d'un test de dépréciation (PCG art. 214-15).
La CNCC rappelle que tel est le cas du droit au bail, même lorsqu’il n’est pas amorti (voir MC 31965). Il ne constitue pas un fonds commercial, mais un élément incorporel individualisé du fonds de commerce.
Les conséquences de la crise sanitaire sont susceptibles de constituer un indice de perte de valeur
Selon l’ANC, la crise sanitaire et économique liée à l’événement Covid-19 ne constitue pas, à elle seule, un indice de perte de valeur. L’existence d’un indice de perte de valeur n’est confirmée qu’à l’issue d’un examen des conséquences propres à l’entité (Rec. ANC Covid-19 du 9-7-2021, Question C1).
Exemple :
Dans le cas soumis à la CNCC, une entreprise détenait plusieurs droits au bail rattachés à des boutiques. Un des indices de perte de valeur retenus par l’entreprise pour ses droits au bail est relatif au chiffre d’affaires : une baisse du chiffre d’affaires d’une boutique de plus de 10 % sur les trois derniers exercices conclut à l’existence d’un indice.
La CNCC rappelle que toute entité doit s’interroger sur l’existence d’un indice de perte de valeur, à plus forte raison dans ce contexte où il est vraisemblable qu’un ou plusieurs événements déclencheurs d’un test de dépréciation soient survenus.
A noter :
Lors de l’appréciation par l’entité d’un critère utilisé en tant qu’indicateur de suivi de la valeur de ses droits au bail (PCG art. 214-16), la CNCC estime qu’il n’y a pas lieu de retraiter cet indicateur des effets de l’épidémie de Covid-19 conformément aux recommandations CNCC précitées.
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À quel niveau évaluer la valeur actuelle et réaliser le test de dépréciation ?
Lorsqu'un indice de perte de valeur est identifié sur un actif pris isolément, il convient de déterminer la valeur actuelle de cet actif (Note de présentation du règl. ANC 2015-06 reprise dans le Recueil des normes comptables de l'ANC, sous art. 214-15) en procédant en deux étapes :
dans un premier temps, déterminer la valeur vénale de l’actif à tester. Si la valeur vénale se révèle supérieure à la valeur comptable de l’actif, le test s’arrête à ce niveau, et aucune dépréciation n’est comptabilisée ; cela peut être le cas, comme l’indique la CNCC, du droit au bail dont la valeur vénale peut s’avérer supérieure à sa valeur comptable (notamment lorsqu’il concerne un emplacement privilégié) ;
La CNCC rappelle que la valeur vénale doit être estimée :
- à partir de la meilleure information disponible en tenant compte des transactions récentes portant sur des actifs similaires dans le même secteur d'activité (Note de présentation précitée reprise dans le Recueil des normes comptables de l'ANC, sous art. 214-6) ;
- en tenant compte du contexte de la crise sanitaire (les valeurs pré-crise n’étant en général pas représentatives de la valeur intrinsèque d’un actif et devant faire l’objet d’analyses complémentaires, voir MC 26895).
puis, si la valeur vénale se révèle inférieure à la valeur comptable de l’actif, il convient de déterminer sa valeur d’usage.
La valeur d’usage est évaluée à partir de projections de flux de trésorerie fondées sur des hypothèses représentant la meilleure estimation faite par la direction de l’ensemble des conditions d’utilisation de l’actif (voir MC 26915), notamment dans le contexte lié à l’événement Covid-19 (voir MC 26920).
Lorsqu’un actif pris individuellement ne génère pas d'entrées de trésorerie indépendamment des entrées de trésorerie générées par d'autres actifs, il n’est pas possible de déterminer la valeur d’usage de l’actif pris isolément. Il convient donc, lorsqu'un indice de perte de valeur est identifié sur cet actif, de déterminer la valeur d’usage du groupe d'actifs auquel il appartient (PCG art. 214-15). Le test de dépréciation est alors réalisé au niveau de ce groupe d’actifs.
Selon la Note de présentation précitée (reprise dans le Recueil des normes comptables de l'ANC, sous art. 214-15), les actifs ou groupes d'actifs sont déterminés en fonction du mode de gestion et de suivi des activités de l'entité (par ligne de produits, secteurs d'activité, implantation géographique…). Voir MC 27730.
C’est en général le cas, comme le rappelle la CNCC, du droit au bail :
dont la valeur d’usage est alors appréhendée à travers la valeur d’usage du magasin auquel il se rattache ;
sauf si sa valeur vénale est supérieure à sa valeur comptable (voir ci-avant) ou, à notre avis, si l'entreprise a décidé de le vendre (ou de l'abandonner).
La CNCC propose l’arbre de décision ci-après permettant de visualiser de manière synthétique les modalités de mise en œuvre du test de dépréciation portant sur les droits au bail lorsqu’un indice de perte de valeur est identifié à leur niveau.
A noter :
Dans le cas où le droit au bail est testé à son seul niveau (dans l’arbre de décision ci-avant, si sa valeur vénale est supérieure à sa valeur comptable), le magasin auquel est affecté le droit au bail pourra devoir également faire l’objet d’un test de dépréciation. La CNCC précise en effet que l’existence d’un indice de perte de valeur au niveau du droit au bail devrait conduire l’entité à s’interroger sur l’existence d’un indice au niveau du groupe d’actifs auquel le droit au bail est rattaché (c’est-à-dire le magasin).
Dans quel ordre tester les actifs ?
En présence d’un indice de perte de valeur, la CNCC indique qu’il convient de déterminer le niveau auquel cet indice s’applique :
au niveau de l’actif pris isolément ;
au niveau d’un groupe d’actifs ;
ou au niveau d’un regroupement de groupes d’actifs.
En effet, en l’absence de précision des textes, la CNCC considère qu’à l’instar des normes IFRS (IAS 36.97 et .98), il est nécessaire de respecter un ordre spécifique dans la réalisation des tests de dépréciation, en s’appuyant sur une approche dite « de bas en haut » (ou « bottom-up » en anglais).
En pratique, il convient ainsi de tester les actifs dans l’ordre suivant :
en premier lieu : chaque immobilisation (incorporelle ou corporelle) présentant un indice de perte de valeur, à son niveau (niveau 1) ; au cas particulier soumis à la CNCC, le droit au bail pris isolément ;
ensuite, lorsque les dépréciations au niveau des actifs testés isolément ont été constatées : l’ensemble des immobilisations faisant partie d’un même groupe d’actifs présentant un indice de perte de valeur, au niveau de ce groupe d’actifs (niveau 2) ; au cas particulier soumis à la CNCC, le magasin auquel est rattaché le droit au bail, s’il présente également un indice de perte de valeur ;
en dernier lieu, lorsque les dépréciations au niveau des actifs et groupes d’actifs testés ont été constatées : le fonds commercial (ou l’écart d’acquisition dans les comptes consolidés en règles françaises) présentant un indice de perte de valeur, au niveau du regroupement de groupes d’actifs auquel il a été affecté (niveau 3) ; qu’il y ait ou non un indice de perte de valeur si le fonds ou l’écart d’acquisition ne sont pas amortis.
La CNCC précise que cette démarche est nécessaire dans la détermination du montant de la dépréciation et de sa correcte affectation. Dans le cas où elle ne serait pas appliquée, une sous-évaluation ou une affectation erronée de la dépréciation globale pourrait être constatée.
A noter :
La CNCC précise que la mise en œuvre de l’approche « de bas en haut » et la comptabilisation des dépréciations qui en découlent ne sauraient avoir pour conséquence de ramener la valeur comptable des actifs à un niveau inférieur à leur valeur vénale.
Nous reviendrons en détail sur l’ensemble de ces points à l’aide d’exemples chiffrés dans un prochain FRC.
Quelle information donner en annexe ?
Dans tous les cas, l’annexe aux comptes annuels devra mentionner les hypothèses prises pour l’élaboration des tests de dépréciation, ainsi que les principaux éléments présentant des incertitudes sur les estimations (PCG art. 832-3/3).
Pour plus de détails, voir FRC Hors-Série 3/21 (Liste de contrôle de l’annexe des comptes sociaux, § 3.9) et MC 29610.
A noter :
La CNCC rappelle que l’entité doit s’interroger sur l’estimation de la valeur résiduelle du droit au bail à la lumière du résultat du test de dépréciation et procéder, si nécessaire, à la révision prospective du plan d’amortissement du droit au bail (PCG art. 214-14), qu’il y ait eu dépréciation (voir MC 27765 s.) ou non (voir MC 27330).