Les associés d'une société de gestion de patrimoine constituent fin 2011 une SARL exerçant la profession d'agent immobilier dont l'un des associés est nommé gérant. En raison d'une mésentente entre eux, ils envisagent début 2013 de se séparer, notamment en dissociant les activités de la SARL par un transfert à une nouvelle société, créée par le gérant, des clients que celui-ci a « apportés » à la SARL. Les relations s'étant détériorées entre le gérant et ses coassociés, ceux-ci le révoquent fin 2013 ; puis ils agissent en responsabilité contre lui, lui reprochant d'avoir délaissé la gestion de la SARL et d'avoir paralysé, par son obstruction (notamment, défaut d'établissement des comptes et de convocation de l'assemblée générale de 2013), la remise en activité de la société.
La cour d'appel de Paris rejette cette action après avoir énoncé que la rupture entre les associés, consommée dès le premier semestre 2013 tant à l'égard de la société de gestion de patrimoine qu'à l'égard de la SARL, avait nécessairement compromis la gestion de celle-ci ; le désintérêt et l'obstruction reprochés au gérant devaient donc, estime la cour, être replacés dans ce contexte particulier.
A cet égard, l'insuffisance des résultats de la SARL, qui n'avait été en activité que durant un exercice (2012) avant que les relations entre les associés se dégradent et que le départ du gérant soit souhaité, ne suffit pas à caractériser un manque d'intérêt de celui-ci pour le développement de la SARL depuis l'origine. En outre, cette société n'ayant pas eu le temps de développer sa propre activité, les coassociés du gérant ne pouvaient pas lui reprocher que son comportement avait empêché toute reprise d'activité.
A noter : Les mauvais résultats de gestion sont condamnables s'ils s'accompagnent d'un désintérêt du dirigeant pour les affaires sociales. Par exemple, a été considéré comme fautif le dirigeant d'une société en difficulté qui n'a fait aucun effort sérieux pour redresser la situation et, malgré l'important déficit de la société, n'a pas convoqué une assemblée générale pour informer les associés de la gravité de la situation et leur demander de prendre une décision couvrant sa responsabilité (Cass. com. 5-6-1961 n° 59-10.695 : Bull. civ. III n° 254). En revanche, un dirigeant n'a pas été jugé responsable d'un déficit de plus de 45 000 € dès lors qu'il n'était pas établi que les marges pratiquées par la société étaient insuffisantes au regard des usages de la profession (CA Paris 22-6-2001 n° 00-21262 : RTD com. 2001 p. 908 obs. C. Champaud et D. Danet).
Le désintérêt du dirigeant est apprécié par le juge en fonction des circonstances propres à chaque espèce. Dans l'affaire ci-dessus, le désintérêt du gérant pour la gestion de la SARL depuis la dégradation des relations entre les associés (début 2013) n'était pas significatif. Pour caractériser une faute, il aurait fallu, à notre avis, que ce désintérêt soit marqué depuis la constitution de la société et que celle-ci ait eu plusieurs années d'existence.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 13956