Le gérant d'une SARL placée en liquidation judiciaire est poursuivi par le liquidateur en comblement de passif pour avoir procédé à des distributions fautives de dividendes. Il fait valoir que la décision de distribuer des dividendes appartient à l'assemblée générale et qu'elle ne peut pas lui être imputée.
La Cour de cassation écarte cet argument. Si la décision de distribuer des dividendes relève de l'assemblée générale des associés, après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables (C. com. art. L 232-12), cette assemblée est convoquée par le gérant, tenu de lui présenter un rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels (C. com. art. L 223-26).
En l'espèce, c'était bien l'intéressé qui, en sa qualité de gérant, avait provoqué les décisions de distribution de dividendes qu'il avait ensuite prises en assemblée générale en qualité de représentant légal de l'associé unique personne morale.
Il avait commis une faute de gestion engageant sa responsabilité, dès lors que :
les distributions de dividendes étaient intervenues deux années de suite dans un contexte de baisse du chiffre d'affaires et du bénéfice la première année, puis de pertes la suivante ;
elles avaient eu pour effet de priver la société de la majeure partie de ses réserves, l'empêchant d'inscrire les provisions qu'appelaient l'existence de créances douteuses et un important procès l'opposant à un tiers ;
elles avaient contribué à l'insuffisance d'actif par le défaut de paiement d'une partie de la dette issue du litige non provisionné et des honoraires du conseil de la société.
A noter :
Le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de cette société s'il a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif (C. com. art. L 651-2). Ne peuvent être reprochées au dirigeant que des décisions qui relèvent de ses attributions.
Ainsi, ne constitue pas une faute de gestion : l'absence de recapitalisation d'une société dont les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital car une telle abstention est imputable aux actionnaires (Cass. com. 13-10-2015 n° 14-15.755 F-D : RJDA 2/16 n° 137 ; Cass. com. 24-1-2018 n° 16-23.649 F-D : RJDA 4/18 n° 344) ; l'apport insuffisant de fonds propres lors de la constitution de la société, qui est imputable aux associés (Cass. com. 10-3-2015 n° 12-15.505 FS-PB : RJDA 6/15 n° 452 ; Cass. com. 17-6-2020 n° 19-10.341 F-PB : RJDA 10/20 n° 517).
En revanche, il a déjà été jugé que c'était en vain que des dirigeants avaient tenté d'échapper à leur condamnation en faisant valoir que la distribution de dividendes relevait du pouvoir décisionnaire de l'assemblée générale, dès lors que les décisions de distribution avaient été prises à leur initiative (Cass. com. 25-10-2011 n° 10-23.671 F-D : RJDA 3/12 n° 322 ; CA Paris 8-4-2014 n° 13/06822 : RJDA 8-9/14 n° 717 ; CA Nancy 20-12-2017 n° 15/02727 : RJDA 10/18 n° 744).