Après sa révocation, le directeur général d'une société par actions simplifiée (SAS), dont les statuts prévoyaient que « les dirigeants sont révocables à tout moment » par la collectivité des associés, réclame à celle-ci une indemnisation. Il soutient que sa révocation ne pouvait avoir lieu que pour un juste motif en l’absence de clause statutaire dispensant la SAS de justifier d’un tel motif.
Sa demande est rejetée : les conditions dans lesquelles les dirigeants d’une SAS peuvent être révoqués sont, dans le silence de la loi, librement fixées par les statuts, qu’il s’agisse des causes de révocation ou de ses modalités. En l’espèce, sauf à ajouter aux statuts, ils ne conditionnaient pas la révocation du dirigeant à l’existence de justes motifs.
A noter :
1° Dans la SAS, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (C. com. art. L 227-5). Il en résulte que les causes et les modalités de révocation des dirigeants sont librement fixées par eux. Ainsi, ils peuvent notamment prévoir la nécessité d’un juste motif en l'absence duquel le dirigeant pourra obtenir des dommages-intérêts ou, au contraire, la possibilité de révocation sans que l'auteur de celle-ci ait à fournir un quelconque motif (« révocation ad nutum »).
Dans un cas où les statuts d'une SAS unipersonnelle prévoyaient que « le président peut être révoqué à tout moment, sans qu'il soit besoin de justes motifs, par décision de l'associé unique », une cour d'appel avait jugé que le président ne pouvait pas reprocher à la société de ne pas avoir motivé sa décision de révocation puisque, par application de la clause statutaire, elle n'en avait pas l'obligation (CA Paris 4-4-2006 n° 05-12090 : RJDA 10/06 n° 1045). Dans l'affaire analysée, les statuts n'excluaient pas explicitement la nécessité d'un juste motif. La solution de la Cour implique qu'une telle exclusion formelle n'est pas nécessaire : un juste motif de révocation n'est exigé que s'il est expressément prévu.
2° La situation est différente dans les autres formes sociales. Le directeur général d'une société anonyme (SA) est révocable à tout moment par le conseil d'administration mais la loi lui accorde une indemnisation si la révocation n'est pas justifiée par un juste motif, sauf lorsqu'il assume les fonctions de président du conseil d'administration (C. com. art. L 225-55, al. 1).
La loi accorde aussi aux dirigeants suivants une indemnisation en cas de révocation sans justes motifs : directeurs généraux délégués de SA (C. com. art. L 225-55, al. 1), membres du directoire de SA de type dualiste (C. com. art. L 225-61, al. 1), gérant de société en nom collectif (C. com. art. L 221-12, al. 4), de société en commandite simple (C. com. art. L 222-2), de SARL (C. com. art. L 223-25, al. 1) et de société civile (C. civ. art. 1851, al. 1). Sont en revanche révocables ad nutum les membres du conseil d’administration ou de surveillance et le président du conseil d’administration de SA (C. com. art. L 225-18, al. 2, L 225-47, al. 3 et L 225-75, al. 2). Il en est de même du président du directoire de SA pris en cette seule qualité (CA Paris 26-5-2016 n° 14/20147 : RJDA 11/16 n° 798).
3° En tout état de cause, la révocation d’un dirigeant peut donner lieu à dommages-intérêts si elle est intervenue dans des conditions brutales ou vexatoires (notamment Cass. com. 25-11-2014 n° 13-21.460 : RJDA 3/15 n° 189 ; CA Paris 30-6-2009 n° 08-13668 : RJDA 1/10 n° 34). En l’espèce, le directeur général réclamait également une indemnisation sur ce fondement mais ses demandes avaient été rejetées par les juges du fond et il n'avait pas formé de pourvoi sur ce point.
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