Des salariés ont été licenciés pour un comportement fautif détecté à l’aide d’un outil de contrôle qui n’avait pas pour objectif principal le contrôle de l’activité des salariés. Dès lors, l’employeur soutenait que ces éléments de preuve étaient recevables en justice sans avoir à justifier ni de l’information-consultation préalable des représentants du personnel ni de l’information des salariés sur ce dispositif de contrôle.
Il ressort de l’analyse combinée de 2 arrêts du 11 décembre 2019 de la Cour de cassation que le raisonnement de l’employeur n’est recevable que si le système de surveillance en cause n’est effectivement pas utilisé pour contrôler l’activité des salariés. Dans le cas contraire, il doit avoir consulté le comité social et économique et informé les salariés de l’existence de ce dispositif de surveillance, faute de quoi il n’est pas autorisé à collecter des données personnelles des salariés ni à se prévaloir des éléments de preuve recueillis au moyen de ce dispositif illicite pour établir une faute du salarié.
Caméra au sous-sol et information des salariés
Dans la première affaire, un agent de surveillance est accusé de tentative de vol par un client dont il était chargé de surveiller les locaux. Ces faits ont été détectés sur les enregistrements des caméras installées dans le sous-sol de l’entreprise cliente, sur lesquels on le voit fracturer un placard. La cour d’appel s’est fondée sur l’absence d’information du salarié quant à l’existence de ces caméras pour écarter la recevabilité comme moyen de preuve de ces enregistrements.
En principe, un système de vidéosurveillance ne peut pas être employé afin de surveiller l’activité du personnel si celui-ci n’en a pas été préalablement informé et s’il n’a pas été porté à la connaissance des représentants du personnel, sauf si ce dispositif est installé dans des locaux auxquels les salariés n’ont pas accès pour leur travail (Cass. soc. 31-1-2001 no 98-44.290 FS-P : RJS 4/01 no 405 ; Cass. soc. 7-6-2006 no 04-43.866 FS-PB : RJS 11/06 no 1143 ; Cass. soc. 19-1-2010 no 08-45.092 F-D : RJS 4/10 no 307). Cette obligation d’information préalable doit être respectée par l’employeur alors même que le salarié accomplirait son travail dans les locaux d’une autre entreprise (Cass. soc. 10-1-2012 no 10-23.482 FS-PB : RJS 3/12 no 212).
Mais cela suppose que le système de vidéosurveillance, installé dans l’entreprise ou chez un tiers, soit utilisé pour contrôler l’activité du salarié dans l’exercice de ses fonctions (Cass. soc. 26-6-2013 no 12-16.564 FS-D : RJS 10/13 no 651).
Or en l’espèce, la Cour de cassation relève qu’il ne résulte pas de la décision de la cour d’appel que ce dispositif de surveillance des locaux avait été utilisé avec pour finalité de contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions. La décision des juges du fond est en conséquence censurée par la Cour de cassation qui admet la recevabilité des enregistrements comme moyen de preuve de la faute du salarié.
Traçabilité des opérations bancaires et consultation des représentants du personnel
Dans la seconde affaire est en cause un système informatique de contrôle des opérations effectuées dans les établissements de crédit et dans les entreprises d’investissement, destiné à assurer la sécurité des données bancaires et une maîtrise des risques. Doté d’un outil de traçabilité, ce dispositif permet également de restituer l’ensemble des consultations effectuées par un salarié et a permis de découvrir que le salarié procédait à des consultations autres que celles correspondant aux clients de son portefeuille. L’intéressé contestait son licenciement pour faute grave motivé par les consultations abusives détectées grâce cet outil.
Les juges du fond, dont le raisonnement est approuvé par la chambre sociale de la Cour de cassation, décident que dès lors que le dispositif était utilisé pour contrôler les consultations du salarié, l’employeur aurait dû informer et consulter le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin. Comme il ne l’a pas fait, il ne peut pas se prévaloir des éléments de preuve ainsi recueillis pour prouver la faute du salarié, lesquels ont par conséquent été écartés des débats.
La solution est transposable au comité social et économique qui, en application de l’article L 2312-38 du Code du travail, doit être consulté sur les moyens et techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés.
A notre avis : L’employeur doit-il également informer les salariés de l’existence de ce traitement, en application de l’article L 1222-4 du Code du travail ? Un arrêt rendu en 2000 à propos d’un outil de traçabilité des opérations bancaires similaire a semblé y répondre par la négative. La Cour de cassation avait alors approuvé une cour d’appel d’avoir jugé qu’un système de traçage permettant d’identifier les personnes consultant les comptes de clients ne constituait pas un dispositif de collecte d’informations personnelles (Cass. soc. 18-7-2000 no 98-43.485 FS-D : RJS 11/00 no 1068). Cette position, issue d’un arrêt ancien simplement diffusé, nous semble remise en cause par les deux arrêts du 11 décembre 2019.
Pour en savoir plus sur les conditions de mise en place des moyens de contrôle et de surveillance de l'activité des salariés : Voir Mémento Social nos 56060 s.