Le locataire de locaux commerciaux bénéficie d'un droit de préemption en cas de vente du local dans lequel il exploite son fonds de commerce. Ce droit est toutefois exclu dans certains cas, et notamment en cas de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux (C. com. art. L 145-46-1 issu de la loi Pinel du 18-6-2014).
La vente globale d'un immeuble ne comprenant qu'un seul local commercial entre-t-elle dans le champ d'application de cette exception ?
Le ministre de l'économie répond par l'affirmative : il résulte des débats parlementaires que la loi vise à exempter du droit de préférence la cession globale d'un immeuble, de quelque nature qu'il soit, qui comporterait un local commercial (Avis Sén. n° 446 p. 32). Dans ce cadre, imposer un droit de préférence sur la vente du local commercial impliquerait soit de contraindre le propriétaire à vendre ce local indépendamment du reste, ce qui constituerait une atteinte à son droit de propriété, soit de permettre au locataire d'exercer son droit de préférence sur l'ensemble immobilier vendu, ce qui constituerait une extension de ce droit lequel, portant atteinte au droit de propriété, doit être interprété strictement.
Sous réserve de l'interprétation contraire des tribunaux, la cession globale d'un immeuble ne comportant qu'un local commercial n'est donc pas soumise au droit de préemption.
A noter : L'exception prévue par l'article L 145-46-1 du Code de commerce vise la cession d'un immeuble comportant des locaux commerciaux. Le pluriel employé dans le texte génère des incertitudes : il a été soutenu qu'il fallait, pour que la dérogation s'applique, que l'immeuble comprenne plusieurs locaux commerciaux ; il a également été avancé, à partir d'une interprétation des débats parlementaires, que la cession devait porter à la fois sur des locaux commerciaux et d'autres locaux.
Posée, deux fois déjà, au Gouvernement précédent, la question a reçu la même réponse à chaque fois : l'exception au droit de préemption du locataire en cas de cession globale d'un immeuble comportant des locaux commerciaux s'applique même lorsque l'immeuble ne comprend qu'un local commercial (Rép. Massat : AN 12-4-2016 n° 92592 et Rép. Quentin : AN 6-12-2016 n° 98594).
Mais ces deux réponses ministérielles n'ont pas suffit à rassurer les praticiens : invoquant la réticence des notaires qui, en l'absence de décision de justice tranchant la question, refusent encore de passer des actes de vente d'immeubles sans purger le droit de préemption du locataire, un député a posé à nouveau la question au Gouvernement.
Même si la réponse qu'apporte ici le ministre de l'économie est plus étayée que les précédentes, notamment parce qu'elle se fonde sur les travaux parlementaires, elle réserve l'hypothèse d'une interprétation jurisprudentielle différente du texte, qui suscite de nombreuses controverses. Rien ne dit dès lors qu'elle suffira à clore le débat.
Du côté des juridictions, un indice en faveur de cette solution pourrait être trouvé dans un arrêt de la Cour de cassation ayant jugé, à la faveur d'une incidente, que le droit de préemption du locataire commercial n'était pas applicable dans un cas où ce dernier ne louait qu'une partie de l'ensemble mis en vente, l'ensemble immobilier ayant été également donné à bail à un tiers (Cass. 3e civ. 17-5-2018 n° 17-16.113 FS-PBI : BPIM 4/18 inf. 300). Mais il est difficile de mesurer la portée de cette décision, dont la solution était en tout état de cause justifiée au regard d'autres motifs.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Baux commerciaux n° 59505