Une société, s’estimant victime de la concurrence déloyale de l'un de ses anciens salariés et de la société constituée par lui, obtient sur requête la nomination d'un huissier de justice (en application de l'article 145 du Code de procédure civile), pour établir un constat sur la messagerie électronique personnelle de cet ancien salarié ; celui-ci demande la rétractation de cette mesure d'instruction en invoquant une atteinte à sa vie privée.
La Cour de cassation juge la mesure valable. Le respect de la vie privée ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à l’application de l’article 145 du Code de procédure civile, dès lors que la mesure ordonnée repose sur un motif légitime et qu'elle est nécessaire et proportionnée à la protection des droits de celui qui la demande.
En l'espèce, la mesure était circonscrite dans son objet : la mission confiée à l’huissier de justice visait à constater la présence, sur la messagerie personnelle du salarié, de courriels en rapport avec l’activité de concurrence déloyale dénoncée et la recherche avait été limitée aux fichiers, documents et correspondances en lien avec les faits litigieux et comportant des mots-clés précisément énumérés.
A noter : confirmation de jurisprudence.
Des mesures d'instruction (notamment, constat d'huissier ou expertise) peuvent être demandées au juge statuant en référé ou sur requête quand il existe un motif légitime de conserver ou d'établir une preuve, avant tout procès (CPC art. 145 : mesures d'instruction dites « in futurum »).
Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à l’intimité de la vie privée qu’à la condition que cette atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. 1e civ. 10-9-2014 n° 13-22.612 F-PB : Bull. civ. I n° 143 ; Cass. 1e civ. 25-2-2016 n° 15-12.403 FS-PBI : D. 2016 p. 884 avis J.-C. Saint-Pau). La Cour de cassation a récemment adopté la même position en cas d’atteinte au secret des affaires (Cass. 1e civ. 22-6-2017 n° 15-27-845 FS-PB : BRDA 15-16/17 inf. 21).
Sophie CLAUDE-FENDT