Le droit de l'Union européenne prévoit des règles de compétence spécifiques en matière d'assurance (Règl. CE 44/2001 du 22-12-2000, dit « Bruxelles I », art. 8 s. ; aujourd'hui Règl. UE 1215/2012 du 12-12-2012, dit « Bruxelles I bis », art. 10 s.), auxquelles il est possible de déroger par une clause attributive de compétence (Règl. Bruxelles I art. 13 ; aujourd'hui, Règl. Bruxelles I bis art. 15).
Après la collision d’un navire en France dans le port d'une commune, cette dernière poursuit le propriétaire du navire, une société de droit anglais, devant un tribunal français en réparation du préjudice subi, puis appelle en garantie l'assureur de cette société. L'assureur conteste la compétence du juge français, invoquant la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat d'assurance qu'il a conclu avec la société propriétaire du navire, qui désigne la Haute Cour de Londres.
L’exception d’incompétence doit être rejetée, juge la Cour de cassation. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé qu'une clause attributive de compétence convenue entre l'assureur et un preneur d'assurance ne saurait être opposée à la victime, qui souhaite agir directement contre l'assureur, dès lors qu'une extension aux victimes de l'effet contraignant des clauses attributives de compétence pourrait compromettre l'objectif de protection de la partie économiquement et juridiquement la plus faible poursuivi par les dispositions précitées du règlement Bruxelles I, alors en vigueur (CJUE 13-7-2017 aff. 368/16 : RJDA 11/17 n° 779). Dès lors, la clause désignant la Haute Cour de Londres, qui était en l'espèce valable, ne pouvait produire ses effets qu’entre les cocontractants et n'était pas opposable à la commune qui n’y avait pas consenti.
A noter :
La décision commentée est rendue sous l'empire du règlement Bruxelles I mais la solution qui y est consacrée est transposable au règlement Bruxelles I bis.
A propos de la question de l'opposabilité d'une clause attributive de compétence en matière d'assurance, outre l'arrêt du 13 juillet 2017 précité, la CJUE avait également jugé que l'assuré couvert par un contrat d'assurance, conclu entre un preneur d'assurance et un assureur tous deux domiciliés dans un même État membre de l'UE, ne peut pas se voir imposer la clause attribuant compétence aux juridictions de cet État dès lors qu'il n'a pas expressément consenti à la clause et qu'il a son domicile dans un autre État membre (CJCE 12-5-2005 aff. 112/03, sous l'empire de la Convention de Bruxelles du 27-9-1968 antérieure au Régl. Bruxelles I ; CJUE 27-2-2020 aff. 803/18 : RJDA 6/20 n° 351, s’agissant d’une assurance souscrite auprès d’un assureur par une société mère, preneur d’assurance, ces deux sociétés ayant leur siège en Lettonie, pour couvrir le risque de sa filiale, assurée, dont le siège était en Lituanie). Quant à la Cour de cassation, elle avait déjà jugé qu'une clause attributive de compétence n'est pas opposable à la victime et à l'assureur subrogé dans les droits de son assuré, exerçant l'action directe, qui n'ont pas expressément souscrit ou accepté ladite clause et ont leur domicile dans un État contractant autre que celui du preneur d'assurance et de l'assureur (Cass. 1e civ. 19-3-2008 n° 07-10.216 F-D, à propos de la convention de Bruxelles de 1968). L'arrêt commenté s'inscrit dans la ligne de cette jurisprudence.
Documents et liens associés :
Cass. 1e civ. 18-12-2024 n° 21-23.252 F-BR
Retrouvez toute l'actualité en matière de droit des sociétés, droit commercial et de la concurrence dans Navis Droit des Affaires !
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Droit des affaires à distance
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Droit des Affaires pendant 10 jours.