L’employeur peut-il se prévaloir d’une disparité du coût de la vie entre zones géographiques pour traiter de manière différente des salariés effectuant un travail identique ? Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation répond par l’affirmative à cette question.
Le principe « à travail égal, salaire égal » consacré par le droit du travail oblige l’employeur à assurer la même rémunération aux salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale dans l’entreprise. Mais il est admis par la jurisprudence qu’une différence de rémunération est licite si elle repose sur des critères objectifs, matériellement vérifiables et étrangers à tout motif discriminatoire.
Par exemple, il a été jugé que repose sur une raison objective et pertinente la différence de rémunération justifiée par :
- la possession d’un diplôme requis par la convention collective pour le poste (Cass. soc. 10-11-2009 n° 07-45.528 FS-PB) ;
- les qualités professionnelles du salarié (Cass. soc. 13-11-2014 n° 12-20.069 FS-PB) ;
- la pénurie de candidats à une fonction si l’employeur prouve ses difficultés à recruter (Cass. soc. 16-3-2011 n° 09-43.529 F-D) ;
- l'ancienneté du salarié si elle ne donne pas lieu au versement d'une prime spécifique (Cass. soc. 21-1-2009 n° 07-40.609 F-D).
De même, il n’est pas possible pour l’employeur de traiter différemment les salariés appartenant à la même entreprise mais travaillant dans des établissements distincts, sauf à justifier de raisons objectives et pertinentes (Cass. soc. 14-11-2012 n° 11-22.644 FS-D). Dans son arrêt du 14 septembre 2016, la Cour de cassation juge que la disparité du coût de la vie peut constituer une telle raison.
En l’espèce, une entreprise appliquait, de manière unilatérale, dans ses établissements situés en Ile-de-France des barèmes de rémunération supérieurs à ceux qui avaient cours au sein de son établissement situé à Douai dans le nord de la France. Un syndicat implanté dans ce dernier établissement estimait que cette pratique portait atteinte au principe de l’égalité de traitement en l’absence d’élément objectif tenant à l’activité ou aux conditions de travail pouvant justifier les différences de traitement observées entre les établissements de l’entreprise. De son côté, pour justifier cette inégalité de rémunération, l’employeur mettait en avant les différences de niveaux de vie entre les deux zones géographiques. A l’appui de son exposé, il avait fourni aux juges du fond divers éléments matériels, tels que des statistiques ou des articles de presse, faisant état de cette disparité économique. La cour d’appel l’a suivi dans son argumentation.
La Cour de cassation va dans le même sens. Elle rappelle tout d’abord qu’une différence de traitement instaurée par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d’établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives,dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. Relevant ensuite que la cour d’appel avait estimé établie l’existence d’une disparité du coût de la vie justifiant une rémunération supérieure pour les salariés des établissements parisiens, la Haute Juridiction juge en conséquence que cette différence de traitement repose bien sur une justification objective et pertinente.
A noter : Cette solution est à rapprocher d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris ayant admis qu’il ne pouvait pas être reproché à un employeur d'avoir consenti des titres-restaurant à ses seuls salariés franciliens dès lors qu'il se prévalait de la nécessité de les indemniser, par l'attribution de cet avantage, du surcoût supporté par eux du fait de l'éloignement entre leur domicile et leur lieu de travail et du coût de la vie plus élevé à Paris et en région parisienne (TGI Paris 28-10-2008 n° 08-8842).
Guilhem POSSAMAI
Pour en savoir plus :Mémento social nos 32120 s.