Dans cette affaire, un accord cadre d’entreprise relatif au vote électronique pour les élections professionnelles renvoyait à des négociations d’établissement pour sa mise en œuvre au niveau local. Un accord d’établissement visant cet accord cadre avait été conclu et des élections s’étaient tenues par vote électronique sur la base d’un protocole d’accord préélectoral reproduisant les dispositions de l’accord cadre et de l’accord d’établissement. Le tribunal d’instance avait annulé ces élections au motif que l’accord d’entreprise ouvrait simplement la possibilité de recourir au vote électronique sans comporter de cahier des charges, contrairement à ce qui est exigé par les articles R 2314-8 (délégués du personnel) et R 2324-4 (comité d’entreprise) du Code du travail.
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond et pose les principes suivants.
L’accord d’entreprise peut ne fixer que le cadre général du vote électronique
La Cour de cassation admet tout d’abord que, dans une entreprise divisée en établissements, un accord d’entreprise peut fixer le cadre général du recours au vote électronique tout en renvoyant pour les modalités de sa mise en œuvre à un accord d’établissement.
Cette solution est logique. En effet, certaines données peuvent différer d’un établissement à l'autre. Il peut s’agir d’éléments techniques (par exemple, salariés ne disposant pas d’ordinateurs, le vote nécessitant la mise à leur disposition de postes informatiques) ou relatifs à la composition et aux spécificités du corps électoral (tels que salariés à domicile, salariés se déplaçant sur des chantiers, etc.). Le niveau local est donc le plus pertinent pour définir les modalités de mise en œuvre du vote électronique pour les élections professionnelles organisées à ce niveau.
Pour mémoire : le recours au vote électronique peut être prévu par un accord d’entreprise ou de groupe (C. trav. art. R 2314-8 et R 2324-4) mais non directement par un accord d’établissement (Cass. soc. 10-3-2010 n° 09-60.096 FS-PB : RJS 5/10 n° 452).
Le cahier des charges exigé par les textes n’est soumis à aucune condition de forme
Les articles R 2314-8 (délégués du personnel) et R 2324-4 (comité d’entreprise) du Code du travail disposent que la possibilité de recourir à un vote électronique est ouverte par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe comportant un cahier des charges respectant les dispositions réglementaires relatives au vote électronique. En raison du faible degré de précision de ces textes sur le cahier des charges en question, il n’est pas étonnant que ce point soit source de contentieux.
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation décide que le cahier des charges que doit contenir l’accord d’entreprise (ou de groupe) n’est soumis à aucune condition de forme. Elle semble ainsi reconnaître implicitement, dans cette affaire, l’existence d’un tel document dans les clauses de l’accord cadre.
D’après les moyens annexés à l’arrêt, cet accord cadre indiquait que :
- l’organisation des élections professionnelles était confiée à un prestataire détenteur d’une expertise reconnue concernant le vote électronique ;
- le prestataire organisait les élections professionnelles par internet dans le respect des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles en vigueur ;
- le système mis en œuvre assurait une totale indépendance avec les systèmes d’information de l’entreprise ;
- le prestataire utilisait les dernières technologies de chiffrement et de signature électroniques assurant ainsi un vote totalement sécurisé dans le respect des principes généraux du droit électoral ;
- le dispositif mis en œuvre faisait l’objet d’une déclaration à la Cnil, les délégués syndicaux centraux étant informés de l’accomplissement de ces formalités.
Une telle analyse nous paraît devoir être approuvée. En effet, ou l’entreprise œuvre dans le domaine de l’ingénierie informatique et peut mettre en place le système de vote électronique selon des spécifications techniques précisément négociées avec des représentants syndicaux eux-mêmes au fait de ces questions, ou elle n’est pas en mesure de le faire et fait appel à un prestataire de services disposant seul de la compétence technique. Dans ce cas, le cahier des charges ne peut guère fixer autre chose que les objectifs à atteindre en termes généraux et fonctionnels.
Muriel GIEN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social no 63020