Il résulte d'une jurisprudence constante que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au Smic (Cass. soc. 10-11-2004 no 02-41.881 F-PB ; Cass. soc. 20-6-2013 no 11-23.071 FS-PB ; Cass. soc. 25-1-2017 no 15-17.872 F-D). Cette obligation qui se déduit de la combinaison des articles L 1221-1 du Code du travail et 1135 (devenu 1194) du Code civil, a une portée générale et doit être distinguée des dispositions de l’article L 4122-2 du Code du travail selon lesquelles les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs. La chambre sociale de la Cour de cassation en déduit qu’elle s’impose à l’employeur indépendamment de ce dernier texte (Cass. soc. 21-5-2008 no 06-44.044 FS-PB). Le présent arrêt s’inscrit dans ce courant jurisprudentiel, tout en invitant les juges du fond à davantage de rigueur.
En l’espèce, lors d’une visite médicale, le médecin du travail prescrit à un salarié un examen ophtalmologique et établit une ordonnance adressée à un confrère pour une paire de lunettes supplémentaire. Après avoir sollicité vainement le remboursement de ces lunettes par son employeur, le salarié saisit le conseil de prud’hommes. Pour faire droit à cette demande, les juges du fond retiennent que les exigences préconisées par le médecin du travail entrent dans le cadre de santé et de sécurité au travail du salarié prévue par les dispositions des articles L 4122-1 et L 4122-2 du Code du travail. Cette décision est cassée.
Pour la Cour de cassation, il ne ressort pas des constatations des juges du fond que l’achat d’une seconde paire de lunettes constituait un équipement de travail destiné à préserver la santé et la sécurité du salarié. En d’autres termes, la dépense exposée par le salarié ne peut pas être assimilée à une mesure préconisée par le médecin du travail. Les dispositions de l’article L 4122-2 du Code du travail ne pouvant donc pas être utilement invoquées, elle estime qu’il appartenait aux juges du fond de caractériser si, indépendamment de ce texte, les frais n’avaient pas été exposés par le salarié pour les besoins de l’activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, autrement dit de rechercher s’ils répondaient à la notion de frais professionnels. En l’absence d’une telle vérification, la chambre sociale de la Cour de cassation censure la décision du conseil de prud’hommes.
Pour en savoir plus sur les remboursements de frais professionnels : voir Mémento Social n° 70515