Un enfant né à la suite d’une procréation médicale assistée (PMA) avec donneur souhaite obtenir des informations relatives à l’auteur du don de gamètes à l’origine de sa conception. Les demandes formulées en ce sens à divers services et hôpitaux sont rejetées. Il saisit la justice et soutient que ces refus portent, au vue de certaines circonstances particulières, une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale. Il invoque notamment l’accord de sa famille légale avec sa démarche et l'absence de vérification préalable du consentement du donneur à la divulgation de son identité.
Le Conseil d’Etat ne suit pas son raisonnement. Plusieurs considérations d'intérêt général ont conduit le législateur à interdire la divulgation de toute information sur les données personnelles d'un donneur de gamètes, notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles, le risque de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d'une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d'une remise en cause de l'éthique qui s'attache à toute démarche de don d'éléments ou de produits du corps. Au regard de cette dernière finalité, qui traduit la conception française du respect du corps humain, aucune circonstance particulière propre à la situation d'un demandeur ne saurait conduire à regarder l'anonymat du don de gamètes comme portant une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par la Convention européenne des droits de l'Homme.
A noter : Les juridictions françaises ont l’habitude d’apprécier la légalité des dispositions nationales en opérant un contrôle de proportionnalité au regard de l’atteinte portée au droits et libertés protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme. Ce contrôle se fait in concreto, c’est-à-dire en fonction de la situation particulière du requérant. Le Conseil d’Etat a ainsi censuré un jugement du tribunal administratif de Paris qui avait refusé le transfert vers l’Espagne de gamètes du mari de la requérante afin qu’elle puisse procéder dans ce pays à une insémination post-mortem (CE 31-5-2016 n° 396848).
En revanche, les Hauts Magistrats refusent de soumettre l’anonymat des dons à un tel contrôle : aucune circonstance particulière propre au demandeur ne saurait le remettre en question notamment parce qu’il traduit la conception française du respect du corps humain. On rappellera que dans l'affaire ici analysée, le Conseil d’Etat, sollicité par le tribunal administratif avait déjà rendu un avis précisant que les dispositions législatives relatives à l’anonymat des donneurs de gamètes ne sont pas incompatibles avec le droit au respect de la vie privée et familiale (avis CE 13-6-2013 n° 362981). Ce contrôle in abstracto avait été confirmé deux ans plus tard par la Haute Juridiction dans une affaire analogue (CE 12-11-2015 n° 372121).
Nous reviendrons prochainement sur cette question.
Olivier DESUMEUR
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 27295