Des époux mariés sous le régime de la communauté souscrivent conjointement un contrat d’assurance-vie en 1997. En 2009, le mari renonce par lettre recommandée au contrat. L’assureur refuse de restituer les primes versées.
Rappels :
La faculté légale de renonciation à un contrat d’assurance-vie peut en principe être exercée pendant 30 jours à compter du moment où le souscripteur est informé de la conclusion du contrat (C. ass. art. L 132-5-1). Lorsque l’assureur omet de remettre au souscripteur l’ensemble des documents et informations exigés par les dispositions légales lors de la conclusion du contrat, le délai est prorogé jusqu’au 30e jour suivant leur remise effective (dans la limite de 8 ans pour les contrats souscrits depuis le 1-3-2006). Cette règle a pu être utilisée par certains souscripteurs comme un moyen d’échapper aux pertes boursières subies sur leur contrat. On peut penser que c’était le cas en l’espèce.
Décision :
La cour d’appel donne raison à l’assureur, au motif que la faculté de renonciation est un droit personnel du souscripteur et qu’il ne peut être exercé par un mandataire qu’en vertu d’un mandat spécial. Selon les juges d’appel, le mari qui a exercé seul la faculté de renonciation ne pouvait valablement renoncer au nom de son épouse sans un mandat de cette dernière.
Cette analyse est censurée par la Cour de cassation : la renonciation à un contrat d'assurance-vie est un acte d’administration ; or, dans le régime de la communauté, chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion.
à noter : La solution est à rapprocher d’un précédent arrêt rendu à propos d’un contrat souscrit au nom d’un mineur : la Cour avait jugé que, s’agissant d’un simple acte d’administration, la faculté légale de renonciation pouvait être exercée pour le compte du mineur par son seul parent sans autorisation judiciaire (Cass. 1e civ. 18-5-2011 n° 10-23.114: Bull. civ. I n° 94, : BPAT 4/11 inf. 250). Bien que rendu dans un contexte différent, le présent arrêt confirme la qualification d’acte d’administration. Dès lors, la solution découle mécaniquement des règles de pouvoirs de la communauté (C. civ. art. 1421 s.) : les actes d’administration sur les biens communs, tout comme d’ailleurs sauf exception les actes de disposition, relèvent de la « gestion concurrente » des époux ; ils peuvent être effectués par l’un ou l’autre sans la participation ni même l’autorisation de son conjoint. Certes, le contrat d’assurance-vie n’est pas à proprement parler un « bien » au sens juridique, mais il fait naître une créance contre l’assureur et les créances sont des biens.
En l’espèce, le contrat d’assurance-vie litigieux avait été souscrit par les deux époux. La solution devrait également valoir pour un contrat souscrit par un seul époux dès lors que les primes ont été payées avec des fonds communs : le conjoint de l’époux souscripteur, bien que n’étant pas partie au contrat, devrait pouvoir y renoncer de sa seule initiative.
Reda BEY, responsable du Pôle patrimoine, office notarial de Croissy-sur-Seine
Pour en savoir plus sur la faculté de renoncer à un contrat d'assurance-vie : voir MDP n° 22618.