Une femme mariée sous le régime de la séparation de biens achète un appartement. Elle déclare le financer au moyen de fonds propres et d’un emprunt à son nom. Au décès du mari, un enfant issu d’une précédente union du défunt, soutient que son père a financé l’acquisition. Il demande que soit constatée l’existence d’une donation dissimulée et d’un recel successoral. Il obtient gain de cause.
Les juges du fond caractérisent la donation déguisée à partir des éléments suivants :
- l’apport comptant correspondait au produit de la vente de deux biens appartenant au défunt ;
- l’emprunt souscrit ne pouvait, compte tenu du montant des mensualités et des revenus de l’épouse, être remboursé que conjointement par les époux ;
- le défunt a déclaré, à l’occasion d’une procédure relative à la prestation compensatoire qu’il devait à sa première épouse, qu’il avait financé l’achat de l’appartement en question ;
- la veuve ne justifie pas de l’origine des fonds investis.
A partir de ces présomptions, ils en déduisent que le défunt a financé l’achat du bien à hauteur de 66 %, ce qui constitue une donation déguisée.
La Cour de cassation confirme. Les juges du fond ont, sans inverser la charge de la preuve, souverainement déduit de ces présomptions que le mari a financé en partie l’achat du bien litigieux. En outre, ils ont caractérisé l’intention du mari de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier – et ainsi l’existence d’une donation déguisée – en relevant que ce financement, dissimulé par l’épouse, avait enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de celui de son mari, sans contrepartie pour ce dernier.
S’agissant du recel successoral, la cour d’appel retient son existence. Elle relève que le conjoint survivant :
- a indiqué de façon mensongère, dans l’acte de vente, que l’apport provenait de ses fonds personnels ;
- n’a pas déclaré la donation au notaire chargé de la succession ;
- a renoncé rapidement à la succession de façon à favoriser sa clôture ;
- a occulté la donation en ne répondant pas au courrier d’un de ses cohéritiers sur le sujet.
Sans surprise, la Cour de cassation partage cette analyse. L’existence d’une manœuvre dolosive commise par l’épouse dans l’intention de rompre l’égalité du partage au détriment des cohéritiers est caractérisée et cette manœuvre a pu être effectuée avant même l’ouverture de la succession.
Pour mémoire : en cas de recel successoral, la sanction principale, s’agissant d’une donation rapportable ou présumée rapportable comme en l'espèce, est le rapport de cette donation à la succession sans que le receleur puisse prétendre y avoir aucune part (C. civ. art. 778 ; pour une illustration voir Cass. 1e civ. 14-4-2010 n° 09-65.903 F-D : BPAT 3/10 inf. 179).
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille nos 63890 s.