A défaut d'accord des parties à un contrat de prestation de services avant son exécution, le prix peut être fixé par le créancier après coup, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation (C. civ. art. 1165, al. 1 dans sa rédaction issue de la réforme du droit des contrats).
Cette disposition s’applique-t-elle à la prestation d’un d’expert-comptable dont le prix n’aurait pas été préalablement fixé d’un commun accord avec son client ?
Non, répond la Cour de cassation. Les règles générales relatives aux contrats (tel l’article 1165 précité) s’appliquent sous réserve des règles particulières propres à certains d’entre eux (C. civ. art. 1105, al. 3). Or, l'article 151, al. 1 du décret 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'activité d'expertise comptable prévoit que l'expert-comptable passe avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties.
Il résulte de cette règle particulière que, conformément à l'article 1105, al. 3, les dispositions de l'article 1165 ci-dessus ne sont pas applicables à la prestation de l’expert-comptable.
A noter :
1° L’article 151, al. 1 du décret du 30 mars 2012 déroge à l’article 1165, al. 1 du Code civil car il impose la conclusion d’un écrit préalable à la mission de l’expert précisant les droits et obligations de chacune des parties, ce qui inclut la fixation (ou les modes de détermination) des honoraires de l’expert mis à la charge du client. Ces prescriptions excluent donc tout « défaut d’accord des parties » sur le prix de la prestation avant son exécution.
La même solution vaut également, à notre avis, pour les honoraires :
- d’avocat, dont la fixation est réglementée par une disposition spéciale dérogeant pareillement à l’article 1165 : dès sa saisine, l'avocat doit informer son client des modalités de détermination de ses honoraires ; il lui appartient alors de conclure avec son client une convention écrite d'honoraires (sauf dans certains cas, telle l’urgence ou la force majeure), laquelle précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles ainsi que les divers frais et débours envisagés (Loi 71-1130 du 31-12-1971 art. 10 ; Décret 2023-552 du 30-6-2023 art. 10) ;
- des commissaires aux comptes pour leurs missions de certification des comptes, dont le montant est fixé d'un commun accord entre les commissaires et l'entité contrôlée, préalablement à l'exercice de la mission (C. com. art. R 823-15).
2° Il se déduit par ailleurs de l’arrêt ci-dessus qu’il appartient au juge de fixer le montant des honoraires si les parties ne l’ont pas fait, ainsi qu'elles le devaient, avant la réalisation de la prestation.
En effet, en l’espèce, le tribunal dont le jugement était critiqué avait rejeté les demandes en paiement des prestations de l’expert-comptable en retenant que celui-ci n’avait produit ni tarif horaire ni feuille de temps passé sur ces travaux qui justifierait le quantum de sa facturation.
La Cour de cassation a censuré ce jugement après avoir rappelé que, par application de l’article 4 du Code civil interdisant le déni de justice, le juge ne peut pas refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies (Cass. 2e civ. 28-6-2006 n° 04-17.224 : Bull. civ. II n° 174) ; par suite, il est tenu d'évaluer une créance dont il a constaté l'existence en son principe. Le tribunal devait donc fixer le montant des honoraires dès lors que, selon ses constatations, les prestations avaient bien été réalisées et que ces honoraires étaient fondés en leur principe.
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