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L'extension de la terrasse d'une brasserie justifie-t-elle le déplafonnement du loyer commercial ?

L'agrandissement de la terrasse extérieure d'une brasserie sur le domaine public n'affecte pas les caractéristiques des locaux loués mais il peut constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant un déplafonnement du loyer.

Cass. 3e civ. 13-10-2021 n° 20-12.901 FS-PB, B. c/ Sté Lauman 


Par Maya VANDEVELDE
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©iStock

Le loyer d'un bail commercial renouvelé échappe à la règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative, et notamment des caractéristiques du local loué ou des facteurs locaux de commercialité (C. com. art. L 145-34).

Se fondant sur ces dispositions, le propriétaire d'un local commercial loué à usage de brasserie demande le déplafonnement du bail, se prévalant de l'agrandissement de la terrasse extérieure exploitée depuis des dizaines d'années en vertu d'une d'autorisation d'occupation du domaine public.

L'extension de cette terrasse de plein air devant l'établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d'une autorisation administrative, ne constitue pas une modification des caractéristiques des locaux loués, juge en premier lieu la Haute Juridiction.

En revanche, en permettant d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public, l'autorisation municipale accordée contribue au développement de l'activité commerciale. La cour d'appel aurait donc dû vérifier si cette situation modifiait notablement les facteurs locaux de commercialité, de sorte qu'elle aurait constitué un motif de déplafonnement. 

A noter :

La valeur locative est déterminée, notamment, d'après les éléments suivants (C. com. art. L 145-33) : les  caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité. Lorsque l'un de ces éléments subit une modification notable, le loyer est porté au montant de la valeur locative alors même que ce montant dépasse le plafond de hausse autorisé. 

L'adjonction au local loué de locaux accessoires ou annexes peut constituer une modification des caractéristiques du local susceptible d'entraîner un déplafonnement du loyer. Encore faut-il que ces locaux accessoires aient été loués par le même bailleur (C. com. art. R 145-4, al. 1). Tel n'est pas le cas d'une terrasse installée sur le domaine public, lequel n'appartient pas au bailleur, et exploité en vertu d'une autorisation administrative. 

La Cour de cassation réaffirme ici cette solution, qu'elle avait déjà posée (Cass. 3e civ. 25-11-2009 n° 08-21.049 FS-PB :  RJDA 3/10 n° 223), soulignant alors le caractère précaire du titre d'occupation. Jugé dans le même sens que l'adjonction d'un local résultant d'une simple tolérance accordée par un autre locataire de l'immeuble ne peut pas justifier un déplafonnement (Cass. 3e civ. 30-11-2005 n° 04-16.477 FS-PB : RJDA 2/06 n° 112), comme l'annexion d'une loge de concierge dont la jouissance a été concédée par l'assemblée générale des copropriétaires (Cass. 3e civ. 27-11-2002 n° 01-10.058 FS-PB : RJDA 3/03 n° 237), l'assiette du bail n'étant pas, dans ces cas, modifiée.

Les facteurs locaux de commercialité, quant à eux, dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire (C. com. art. R 145-6). Le déplafonnement du loyer est, dans cette hypothèse, subordonné à une modification effective de l'environnement des locaux loués, ayant une incidence favorable sur l'activité exercée par le locataire. Jugé par exemple que justifiait le déplafonnement du loyer l'installation d'une station de métro à proximité du commerce (CA Paris 8-9-2021 n° 19/21095 : BRDA 19/21 inf. 12) ou l'évolution de l'urbanisme ou de la voirie (Cass. 3e civ. 5-12-1990 n° 89-15.130 D).

C'est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation pose en principe qu'une autorisation administrative portant sur l'installation d'une terrasse sur le domaine public ou sur l'agrandissement de cette terrasse, peut constituer une modification des facteurs de commercialité. Il est vrai qu'une telle autorisation contribue autant au développement de l'activité commerciale que la modification du sens de circulation dans une rue, qui résulte également de décisions d'autorités publiques et est, à ce titre, tout aussi précaire

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne