La caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution (C. civ. art. 2314).
Le dirigeant d'une société consent une hypothèque sur un immeuble lui appartenant pour garantir le paiement d’une somme due par cette société à un créancier. La société fait ultérieurement l'objet d'une procédure collective et le créancier tente de mettre en œuvre l'hypothèque. Le dirigeant invoque alors le fait que le créancier n'a pas déclaré sa créance à la procédure collective de la société, pour soutenir que cette faute, qui l'a privé du droit d'agir contre le débiteur principal, l'a déchargé de son engagement, en application de l'article 2314 du Code civil.
La Cour de cassation écarte cet argument et juge au contraire que le dirigeant n'était pas déchargé. Une sûreté réelle, qui n’implique aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, n’est pas un cautionnement, de sorte que l’article 2314 du Code civil ne lui est pas applicable.
A noter : solution inédite.
Une jurisprudence ancienne avait admis la possibilité pour celui qui consent une sûreté réelle (hypothèque ou nantissement, par exemple) en garantie des engagements d'un tiers d’être déchargé en cas de perte de droits, hypothèques ou privilèges du fait du créancier (notamment, Cass. 1e civ. 23-11-1954 : Bull. civ. I n° 331). Cette solution était motivée par le fait que la « caution réelle » garantit une dette qui n’est pas la sienne et se trouve ainsi dans la même situation qu’une caution personnelle.
Toutefois, la Cour de cassation a jugé en 2005 que la sûreté réelle constituée en garantie de la dette d’un tiers n’était pas un cautionnement (Cass. ch. mixte 2-12-2005 n° 03-18.210 P : RJDA 2/06 n° 197). La majorité de la doctrine en a déduit que le bénéfice de l’article 2314 du Code civil devait être désormais refusé aux cautions réelles (en ce sens, Mémento Droit commercial n° 55900 ; Ph. Simler, Cautionnement, Litec 2015, n° 844). C’est cette solution qu’adopte, pour la première fois à notre connaissance, la troisième chambre civile de la Cour de cassation par une décision destinée à une large diffusion.
Il demeure que la caution réelle est subrogée dans les droits du créancier qu'elle a dû désintéresser (Cass. 3e civ. 6-3-2002 n° 00-17.175 FS-D : RJDA 5/02 n° 555), conformément à l’article 1346 du Code civil, et qu’elle peut invoquer la faute du créancier sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile (Cass. 1e civ. 4-10-2000 n° 98-10.075 F-P : RJDA 1/01 n° 86).
En application de la décision de 2005 de la chambre mixte, il a aussi été jugé que l'information annuelle due à la caution par les organismes de crédit (C. mon. fin. art. L 313-22) n'est pas due en cas de sûreté réelle garantissant la dette d'un tiers (Cass. com. 7-3-2006 n° 04-13.762 FS-PBRI : RJDA 7/06 n° 836) et qu'il ne peut pas être reproché à un notaire de ne pas avoir informé le constituant de la sûreté réelle sur la portée de son engagement et notamment sur le fait qu'il ne jouit pas des bénéfices de discussion et de division (Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-21.332 F-PB : BRDA 1/16 inf. 11).
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 55900