Le transporteur routier de marchandises ne peut pas bénéficier des dispositions limitant sa responsabilité s'il a commis une faute inexcusable. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable (C. com. art. L 133-8 dans sa rédaction issue de la loi 2009-153 du 8-12-2009).
Une cargaison de céréales confiée à un transporteur est volée alors que le camion est garé pour le week-end sur une aire non surveillée.
Une cour d'appel condamne le transporteur à indemniser intégralement l'expéditeur, estimant qu'il a eu conscience de la probabilité du dommage et en a délibérément couru le risque dès lors qu'il garait habituellement son camion sur le parking de la gendarmerie et qu'il l'avait stationné à un autre endroit uniquement parce que ce parking était plein.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation, qui juge ces motifs impropres à caractériser que le transporteur a eu conscience qu'un dommage résulterait probablement de son comportement.
A noter : c'est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation se prononce sur la notion de faute inexcusable. La seule décision rendue auparavant sur le fondement de l'article L 133-8 dans sa rédaction issue de la loi de 2009 se bornait à en rappeler la définition (Cass. com. 18-11-2014 n° 13-23.194 : BRDA 2/15 inf. 14).
L'arrêt commenté confirme que la faute inexcusable est une faute plus grave que la faute lourde, qui était admise de manière extensive par les tribunaux toutes les fois où une absence de précaution élémentaire pouvait être reprochée au transporteur (pour un exemple récent, Cass. com. 2-11-2016 n° 14-19.186 F-D : BRDA 22/16 inf. 10).
En pratique : la solution, favorable aux transporteurs, revêt une grande portée car des clauses limitatives de responsabilité sont prévues par la plupart des contrats types applicables en matière de transport. Elle n'est d'ailleurs pas limitée au transport routier interne de marchandises : la convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, relative au contrat de transport international par route renvoie à la loi de la juridiction saisie pour la détermination de la faute équipollente au dol, de nature à priver les transporteurs du bénéfice d'une limitation de sa responsabilité.
Rappelons qu'une faute inexcusable est aussi exigée dans les transports aériens et maritimes, tant de marchandises que de passagers.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 24624