Le gérant d’une société en nom collectif (SNC), reconnu coupable de complicité d’abus de biens sociaux au préjudice d’une société tierce, est condamné à payer des dommages-intérêts à celle-ci. Soutenant avoir agi au nom et pour le compte de la SNC, il lui réclame le remboursement des sommes ainsi versées.
Sa demande est rejetée : le gérant avait été définitivement jugé coupable de complicité d'abus de biens sociaux et cette faute impliquait un usage illicite des biens de la société qu’il dirige, consistant à rémunérer des commissions occultes avec le patrimoine de cette dernière. La faute pénale intentionnelle du gérant est par essence détachable de ses fonctions, peu important qu’elle ait été commise dans le cadre de celles-ci.
En conséquence, le gérant ne pouvait pas se retourner contre la SNC pour lui faire supporter les conséquences de cette faute qui est un acte personnel, que ce soit vis-à-vis des tiers ou de la société au nom de laquelle il avait cru devoir agir.
A noter : A l'égard des tiers, la responsabilité civile des dirigeants ne peut être engagée que s'ils ont commis une faute séparable de leurs fonctions qui leur est imputable personnellement (notamment, Cass. com. 27-1-1998 n° 313 : RJDA 5/98 n° 610 ; Cass. com. 12-1-1999 n° 91 : RJDA 3/99 n° 301 ; Cass. com. 20-5-2003 n° 851 : RJDA 8-9/03 n° 842 concl. R. Viricelle p. 717). La Cour de cassation a posé pour principe qu’une infraction pénale intentionnelle est, comme telle, séparable des fonctions du dirigeant (Cass. com. 28-9-2010 n° 09-66.255 FS-PBRI : RJDA 1/11 n° 51, Rapport C. cass. 2010 p. 381 ; Cass. com. 9-12-2014 n° 13-26.398 F-D : RJDA 3/15 n° 199).
Ce principe, dégagé dans l’intérêt des tiers victimes des agissements du dirigeant, est ici étendu aux rapports entre la société et son dirigeant.
Le constat d’une faute pénale intentionnelle, acte personnel du dirigeant, emporte donc deux conséquences :
- envers les tiers, le dirigeant engage sa responsabilité civile ;
- envers la société, il doit assumer personnellement les conséquences de sa faute sans possibilité de se retourner contre elle, même si l’acte fautif a été commis dans le cadre de ses fonctions. Il avait déjà été jugé, dans le cas d’actions engagées par des tiers, que la responsabilité personnelle du dirigeant pouvait être retenue même s'il n'avait pas excédé les limites de ses attributions (Cass. com. 10-2-2009 n° 07-20.445 : RJDA 5/09 n° 445 ; Cass. com. 18-6-2013 n° 12-17.195 : RJDA 12/13 n° 1022).