Plusieurs franchisés d’un réseau, au sein duquel ils bénéficient d'une exclusivité sur le territoire concédé moyennant une exclusivité d'approvisionnement et de distribution, poursuivent en référé le franchiseur qui a ouvert un site internet pour qu’il cesse, sous astreinte, la commercialisation de ses produits sur ce site ou sur tout autre. Ils font valoir que ces ventes s’effectuent en violation de leur contrat de franchise et constituent un trouble manifestement illicite. Le franchiseur soutient que, le contrat de franchise étant ambigu sur la portée de l’interdiction de vendre par internet, il doit être interprété, ce qui exclut l’existence d’un trouble manifestement illicite.
L’argument du franchiseur est écarté (Cass. com. 13-4-2023 n° 21-25.133 F-D). Le contrat type de franchise disposait que « la vente des produits par internet est également interdite ; seule la vente directe en magasin est autorisée compte tenu des circonstances exceptionnelles relatives à la spécificité du concept et des produits », cet article ne distinguant pas entre le franchiseur et le franchisé, de sorte que le contrat de franchise interdisait sans distinction entre les parties, ni distinction de zones, la vente par internet. D'ailleurs, le franchiseur l’avait reconnu lui-même, puisqu’il avait ultérieurement proposé à ses franchisés un avenant au contrat de franchise ajoutant qu’il pouvait vendre ses produits, à partir de son site internet, à tous clients indépendamment de leur localisation, y compris s'ils résidaient dans la zone d'exclusivité contractuelle du franchisé, en contrepartie de la perception par ce dernier d'une rétrocession sur les ventes à des clients résidant dans sa zone d'exclusivité, admettant ainsi l'insuffisance du contrat initial sur ce point. En l'état de cette clause claire, les ventes en ligne à l'initiative du franchiseur étaient donc manifestement illicites.
A noter :
Même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (CPC art. 873, al. 1 pour un référé commercial ; art. 835, al. 1 pour un référé civil).
La violation d'une obligation contractuelle peut constituer un trouble illicite (notamment, Cass. com. 22-2-2000 n° 97-15.560 D : RJDA 6/00 n° 650 pour la violation par un franchisé d’une clause de non-concurrence ; Cass. 3e civ. 6-5-2021 n° 19-23.145 F-D : BRDA 17/21 inf. 15 pour le non-respect par un locataire de la destination des lieux commerciaux loués). Le juge des référés étant le juge de l'apparence et de l'évidence, l'illicéité du trouble doit toutefois être manifeste, ce qui n’est pas le cas lorsque l’obligation contractuelle en cause doit être interprétée (Cass. 2e civ. 3-3-2022 n° 21-13.892 F-B), cette tâche incombant au juge du fond. Mais le juge des référés peut faire application d'une clause claire et précise (Cass. com. 9-4-2013 n° 12-14.659 F-D).
Documents et liens associés :
Cass. com. 13-4-2023 n° 21-25.133 F-D, Sté Naturhouse c/ Sté Balma Diet