1. Tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par l'emprunteur (C. com. art. L 527-1 issu de l'ordonnance du 23-3-2006). Ce gage est soumis à un régime particulier. Notamment, est réputée non écrite toute clause prévoyant que le créancier deviendra propriétaire des stocks en cas de non-paiement de la dette exigible par le débiteur (prohibition du pacte commissoire ; art. L 527-2).
L'établissement de crédit et l'emprunteur peuvent-ils échapper à ce régime en convenant que le remboursement du crédit sera garanti par un gage sur stocks soumis au droit commun (C. civ. art. 2333 et s.) et dans le cadre duquel le pacte commissoire est licite (C. civ. art. 2348) ?
Fin de la controverse
2. La chambre commerciale de la Cour de cassation avait répondu par la négative (Cass. com. 19-2-2013 n° 11-21.763 : BRDA 4/13 inf. 12) : s'agissant d'un gage portant sur des éléments visés à l'article L 527-3 du Code de commerce, les parties, dont l'une est un établissement de crédit, ne peuvent pas soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession.
Mais la cour d'appel de renvoi avait résisté et adopté la solution inverse (CA Paris 27-2-2014 n° 13/03840 : BRDA 10/14 inf. 14), en retenant que la loi n’interdit pas expressément aux parties de se placer sous l’empire du gage de droit commun sans dépossession et que l’examen de l’ordonnance de 2006 ne permet pas d’affirmer la volonté du législateur d’exclure du bénéfice du gage sans dépossession de droit commun les banques prêtant sur stocks.
3. L’assemblée plénière de la Cour de cassation (Cass. ass. plén. 7-12-2015 n° 14-18.435) vient de mettre fin à la controverse en adoptant la position de la chambre commerciale : s’agissant d’un gage portant sur des stocks et conclu dans le cadre d’une opération de crédit, les parties, dont l’une est un établissement de crédit, ne peuvent pas soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession.
Un régime impératif
4. L’assemblée plénière de la Cour de cassation clarifie l'articulation entre le régime du gage de droit commun de biens meubles corporels et celui du gage de stocks tels qu'ils résultent de l'ordonnance 2006-346 du 23 mars 2006 portant réforme des sûretés.
Dès lors que le gage entre dans le champ d'application de l'article L 527-1 du Code de commerce, il est soumis à un régime spécifique plus contraignant que celui du gage de droit commun : mentions impératives du contrat de gage (art. L 527-1, al. 3) ; publicité du gage dans les 15 jours de sa constitution sous peine de nullité de la garantie (art. L 527-4) ; prohibition du pacte commissoire (art. L 527-2) ; impossibilité pour le créancier de réclamer une reconstitution du stock gagé ou un remboursement anticipé si la valeur du stock n'a pas baissé d'au moins 20 % (art. L 527-7).
Les parties ne peuvent pas y déroger.
5. Dans un communiqué commentant cet arrêt, la Cour de cassation indique les raisons qui l’ont incitée à retenir cette solution : « La mise en oeuvre du pacte commissoire, qui ne fait à ce jour l’objet d’aucun encadrement particulier, par un établissement de crédit qui, lorsqu’il a en charge la gestion des comptes de l’entreprise, bénéficie d’un poste d’observation privilégié, est (…) de nature à compromettre les procédures collectives et plus spécialement les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Aucune poursuite d’activité ne pourrait être envisageable dès lors que ce créancier, cherchant à anticiper sur de futures difficultés financières, se ferait attribuer les stocks gagés en sollicitant la réalisation du pacte commissoire. Le régime spécifique institué par le code de commerce répond ainsi à des impératifs économiques visant non seulement à assurer un certain équilibre entre les créanciers, notamment dans le cadre des procédures collectives, mais surtout à préserver l’activité des entreprises et à permettre à celles-ci d’affronter plus efficacement les difficultés financières qu’elles sont susceptibles de rencontrer ».
6. En pratique : il résulte de cette volonté de préserver l’activité de l’entreprise qu’il n’est pas possible de constituer un gage de droit commun sur stocks au profit d'un créancier autre qu'un établissement de crédit. Telle est d’ailleurs l'interprétation retenue par le législateur pour qui « l'utilisation de cette sûreté en qualité de créancier est réservée aux établissements de crédits, ceux-ci disposant seuls des moyens leur permettant d'évaluer la consistance de l'objet donné en garantie » (Rapport au Président de la République sur l'ordonnance de 2006 : JO du 24-3-2006 p. 4475 point 3-2).
Une réforme à venir du gage sur stocks
7. La solution de la Cour suprême sera bientôt obsolète : la loi « Macron » du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, a autorisé le Gouvernement à réformer, par ordonnance avant le 6 février 2016, le gage des stocks pour le rapprocher du gage de droit commun, notamment en permettant la conclusion d’un pacte commissoire (BRDA 15-16/15 inf. 22 nos 19 et 20).