Un particulier décède le 6 juin 2015. Ses trois salariées, auxiliaires de vie qui l'assistaient au quotidien depuis plusieurs années, réclament à ses enfants le paiement de leur salaire du mois de juin ainsi que des indemnités de licenciement. Elles se heurtent à un refus : ces derniers ayant renoncé à la succession le 31 juillet suivant, ils estiment ne rien leur devoir. Afin d'obtenir une décision rapide, les salariées saisissent le conseil de prud'hommes en urgence en utilisant la procédure du référé.
Le conseil de prud'hommes ordonne le paiement des sommes demandées. Les ayants droit auraient dû régler les salaires et procéder au licenciement des employés à la fin du mois de juin, alors qu'ils n'avaient pas encore renoncé à la succession de leur père.
La Cour de cassation censure la décision. L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais hérité : l'obligation mise à la charge des héritiers est donc sérieusement contestable. La formation de référé du conseil des prud'hommes n'était pas compétente pour ordonner le paiement des salaires.
A noter : La censure de l'ordonnance de référé était inévitable. S'il est vrai qu'un salarié peut demander à son employeur le paiement de ses salaires en utilisant la procédure rapide du référé, c'est à la condition que sa demande ne soit pas sérieusement contestable (C. trav. art. R 1455-5). Or le fait que le fils de l'employeur ait renoncé à la succession suscite un doute sur son obligation de régler les salaires dus à l'employé. Un telle question ne relève pas de la formation des référés et devra être tranchée au fond par les tribunaux.
Lors des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit, la rapporteure de l'Assemblée nationale faisait valoir que les héritiers hésitaient parfois à procéder au règlement des salaires ou indemnités dues à un employé du défunt de crainte que l'on puisse en déduire leur acceptation de la succession (Rapport AN n° 1808 du 19-2-2014). Pour tenter d'y remédier cette loi est donc venue ranger au titre des actes purement conservatoires sur la succession, qui peuvent être accomplis sans emporter acceptation de cette dernière, « les actes liés à la rupture du contrat de travail du salarié du particulier employeur décédé, le paiement des salaires et indemnités dus au salarié ainsi que la remise des documents de fin de contrat » (C. civ. art. 784). Reste qu'il s'agit d'un vœu pieux quand la succession est déficitaire - ce qui conduit les héritiers à renoncer - et qu'il n'y a plus rien ou presque sur les comptes du défunt...
Quant à l'héritier renonçant, il n'est effectivement pas tenu des dettes et charges de la succession. La seule exception concerne les frais funéraires et d'obsèques, qu'il doit assumer à proportion de ses moyens dès lors qu'il s'agit de la succession d'un ascendant ou d'un descendant (C. civ. art. 806). Les salaires et indemnités dus à un employé du défunt ne sauraient lui être réclamés.
Brigitte BROM et Emmanuel DE LOTH
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Particuliers n° 17144