La loi confortant le respect des principes de la République, qui vient d’être promulguée et publiée, comporte deux séries de dispositions relatives aux droits des héritiers réservataires.
En premier lieu, la loi instaure un droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France au profit des enfants lésés par l’application d’une loi successorale étrangère. L’article 913 du Code civil est ainsi complété par l’alinéa suivant : « Lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. » (Loi art. 24, I-1°).
En second lieu, la loi met à la charge du notaire chargé du règlement de la succession une obligation d’information spécifique à l’égard des héritiers réservataires. L’article 921 du Code civil est en effet complété par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque le notaire constate, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné et connu, individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. » (Loi art. 24, I-2°).
S'agissant de l'entrée en vigueur, ces nouvelles dispositions seront applicables aux successions ouvertes à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er novembre 2021, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant cette date (Loi art. 24, II).
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A noter :
Un ancien droit de prélèvement compensatoire était connu du droit français. Il permettait au seul cohéritier français ab intestat de réclamer sur les biens situés en France la part successorale que lui octroierait la loi française et dont il a été exclu par la loi successorale étrangère régissant la succession (Loi du 14-7-1819 art. 2). Mais ce texte, déclaré contraire à la Constitution en ce qu’il méconnaissait le principe d’égalité devant la loi entre héritiers français et étrangers, a été abrogé (Cons. const. QPC 5-8-2011 n° 2011-159 : BPAT 5/11 inf. 282). On peut s’interroger sur la constitutionnalité du nouveau droit de prélèvement instauré, même si le législateur pense échapper à un tel grief en expliquant que « ce prélèvement compensatoire concerne tous les enfants, héritiers réservataires, venant à la succession, peu importe leur nationalité. La présente proposition ne réserve en effet pas le prélèvement aux seuls héritiers français ou ressortissants d’un État membre. Le principe d’égalité devant la loi apparaît ainsi respecté. » (Rapport AN n° 3797 du 25-1-2021, t. 1, p. 138-139). Le raisonnement n’a pas convaincu l’un des premiers commentateurs du projet de loi, qui relève notamment que des conditions de résidence ou de nationalité sont exigées, même si elles sont élargies à l’Union européenne (H. Péroz, Le droit de prélèvement : tel un phoenix ? : Gaz. Pal. 23-3-2021 n° 400x1 p. 48). À ce stade, signalons simplement que le Conseil constitutionnel, saisi sur d’autres articles de la loi, n’a pas eu à se prononcer sur ces nouvelles dispositions (Cons. const. 13-8-2021 n° 2021-823). La question de leur conformité au droit international européen et notamment au règlement Successions (Règl. UE 650/2012 du 4-7-2012) se pose également (H. Péroz, étude précitée ; voir également, du même auteur, Haro sur le droit de prélèvement ! : SNH 21/21 édito).
La loi instaure par ailleurs, à la charge du notaire, une obligation d’information renforcée à l’égard des héritiers réservataires. « Il s’agira ainsi, pour le notaire, d’informer, lors d’un entretien individuel, l’héritier réservataire de ses droits lors du règlement de la succession, de s’assurer du caractère libre et éclairé de son consentement en cas de renonciation et d’éviter que l’héritier réservataire subisse des pressions de la part de la fratrie, de donataires ou de légataires, lorsqu’il devra effectuer son choix de demander ou non la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. […] Aucune forme n’étant exigée par le texte, la preuve de l’information pourra être apportée par tout moyen, par exemple en faisant signer aux héritiers une reconnaissance de conseil donné ou une consultation. » (Rapport AN, précité, p. 141).