Bien que ces arrêts concernent un dispositif qui n’est plus en vigueur, l’ancienne réduction ISF-PME, les précisions apportées par la Haute juridiction ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des dispositifs fiscaux encore existants qui font appel à cette notion de holding animatrice.
Rappelons en effet que cette notion est utilisée par plusieurs régimes fiscaux de faveur, notamment pour l’exonération de droits de mutation à titre gratuit avec le pacte « Dutreil transmission », ou encore en matière d’exonération d'impôt sur la fortune immobilière au titre des biens professionnels.
C’est notamment dans le cadre de litiges portant sur ces différents dispositifs de faveur que la Cour de cassation, mais également le Conseil d’Etat, ont clarifié au cours des dernières années les caractéristiques qu’une société holding doit revêtir afin d’être considérée comme animatrice de son groupe.
C’est dans un arrêt en date du 13 juin 2018 que le Conseil d’Etat s’est prononcé pour la première fois sur la notion de holding animatrice concernant l’ancien abattement applicable aux gains de cession de titres des dirigeants partant à la retraite. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’ une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe (CE plén. 13-6-2018 n° 395495).
La Cour de cassation quant à elle a ensuite précisé qu'une société qui a pour activité principale l'animation de filiales au sein desquelles elle détient une participation majoritaire, ne perd pas son statut de holding animatrice dans le cas où elle détient également une participation minoritaire dans une autre société, dont elle n'assure pas l'animation (Cass. com. 19-6-2019 nos 17-20.559 et 17-20.560).
Enfin, la Haute juridiction a affiné son analyse en présence d’une holding mixte (société holding animatrice exerçant par ailleurs une activité civile comme par exemple la gestion purement financière de ses participations), en apportant des précisions sur le caractère principal ou non de l'activité d'animation de groupe. Ainsi, la prépondérance de cette activité est caractérisée notamment lorsque la valeur vénale des titres des filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total (Cass. com. 14-10-2020 n° 18-17.955 FS-PB).
Ces différents arrêts ont permis de réduire petit à petit l’insécurité juridique entourant la notion de holding animatrice en élaborant un faisceau de critères objectifs. Il n’en reste pas moins qu’en pratique, la qualification d’une société en tant que holding animatrice continue de résulter essentiellement d’une analyse d’éléments de faits. Dès lors, la preuve du caractère animateur d’une holding ne peut être apportée que par la production de documents internes à la société, encore faut-il que ces derniers suffisent à démontrer la réalité de l’animation de la filiale.
C’est ce que rappelle explicitement la Cour de cassation dans ses arrêts rendus le 3 mars dernier.
Tout d’abord, conformément aux critères déjà dégagés par la jurisprudence, elle estime logiquement qu’une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice. En effet, pour participer activement à la politique d’un groupe et au contrôle des filiales, il faut au préalable qu’il y ait un groupe. Elle ajoute ensuite que l’animation d’une filiale doit être concrètement mise en œuvre. Par conséquent, la mise en place de moyens permettant à une holding d’animer sa filiale est une condition nécessaire à sa qualification de holding animatrice, mais non suffisante. Le contribuable sollicitant un régime fiscal de faveur impliquant une telle holding doit donc pouvoir démontrer la participation active et effective de celle-ci à la conduite de la politique du groupe. Dorénavant le juge ne se contente plus seulement de contrôler les moyens mis en place pour contrôler les filiales, il contrôle également la mise en œuvre effective de ces moyens. A titre d’exemple, si la mise en place de conventions de prestations de services est primordiale encore faut-il que des services soient effectivement rendus pour caractériser l’animation.
La grille de lecture élaborée par les deux juridictions implique qu’il devient indispensable de vérifier en amont les points suivants :
- la société holding dispose d’une participation suffisante au capital de sa filiale pour en assurer le contrôle,
- elle doit être en mesure de prouver que les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanent bien d’elle,
- il faut que la holding mette en place une convention d’animation (enregistrée) (CA Lyon 24-11-2020 n° 19/03679),
- et enfin elle doit être mesure de prouver l’exécution effective de cette convention.
Les rapports de gestion, attestations, mails, correspondances, procès-verbaux d’assemblée générale et de conseil d’administration ou encore la formalisation d’un pacte d’actionnaires sont également des indices tendant à démontrer le rôle d’animateur de la société.
La position adoptée par la Cour de cassation début mars ne marque pas une rupture ou n’est pas novatrice, mais elle s’inscrit dans le prolongement des développements qui ont eu lieu ces dernières années.
On pourra relever également que la Cour d’appel de Riom a récemment retenu que l’animation effective du groupe doit être préparée suffisamment en amont pour permettre l’accumulation des actes et des faits sur la période considérée afin de pouvoir démontrer l’effectivité et la réalité du schéma présenté pour revendiquer l’application du régime de faveur (CA Riom 26-1-2021 n° 19/01179).
La construction prétorienne de la notion de holding animatrice a donc ajouté une pierre à son édifice. Dès lors, les groupes sont prévenus, en cas de vérification l’administration fiscale ne se contentera pas d’examiner les moyens mis en place pour animer les filiales mais contrôlera la mise en œuvre concrète de ces derniers par le biais d’une étude approfondie.
Il est par conséquent essentiel de documenter sérieusement l’ensemble des pièces susceptibles de démontrer la réalité de l’animation et ce pendant toute la période de reprise du dispositif fiscal dont le bénéfice de faveur sera demandé.
Par Alexandre POLAK, Avocat Associé au sein du cabinet Coblence avocats
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