Une commune préempte deux terrains sur lesquels des locataires commerciaux ont édifié des bâtiments. En vue de réaliser une opération d’aménagement nécessitant l’évacuation définitive des locaux, la commune demande que soient fixées les indemnités revenant aux preneurs. La cour d’appel leur alloue, en plus de l’indemnité principale, une somme au titre de la perte des constructions édifiées.
La commune conteste cette seconde indemnisation : le droit des locataires sur les constructions était temporaire, une clause du contrat de bail prévoyant que le preneur s’oblige à rendre le terrain loué, « à la fin du bail, nu et nivelé, libre de toute construction ».
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire des constructions.
A noter :
Dans cette affaire, les terrains acquis par voie de préemption par la commune en vue de la réalisation de logements sociaux nécessitaient l’éviction des différents locataires et occupants. En l’absence d’accord sur le montant des indemnités, la commune a saisi le juge de l’expropriation. Après avoir rappelé que les dispositions relatives à l'expropriation sont applicables pour la fixation de l'indemnisation des parties évincées dans le cadre d'une opération d'expulsion pour démolition après préemption (C. urb. art. L 213-10, L 314-1 et L 314-2) et que les indemnités allouées doivent « couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain » (C. expr. art. L 321-1), la cour d’appel de Paris fixe les indemnités revenant aux époux à :
606 510 € au titre de la valeur du droit au bail ;
435 000 € au titre de la valeur des constructions édifiées sur les terrains.
La Cour de cassation confirme. Les preneurs devaient bien être indemnisés de la perte des constructions. Une telle indemnisation s’apprécie en effet à la date de l’éviction anticipée or, à cette date, les preneurs étaient propriétaires de ces constructions. La clause de nivellement, applicable à la fin du bail, n’avait donc « pas vocation à recevoir application ».
La Haute Juridiction a déjà été amenée à juger dans le même sens s’agissant d’une clause d’accession d’un bail commercial (Cass. 3e civ. 4-4-2002 n° 01-70.061 : RJDA 5/03 n° 472). Plus récemment, elle a confirmé, dans une affaire où des particuliers avaient construit une habitation sur le terrain qu’ils louaient, que « le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu'il a régulièrement édifiées sur le terrain loué » et que « la résiliation anticipée du bail du fait de l'expropriation ne le prive pas de son droit à indemnité pour ces constructions » (Cass. 3e civ. 5-1-2012 n° 10-26.965 : Bull. civ. III no 3).
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