Interprétation stricte de la disposition de la CCN des ouvriers du bâtiment relative aux situations de grand déplacement
L'employeur doit obligatoirement prendre en charge les frais engagés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur. Ces frais ne peuvent pas être imputés sur sa rémunération.
A noter :
Cette obligation s'impose à l'employeur même lorsque la loi, une convention ou un accord ne le précise pas.
La prise en charge des frais professionnels par l'employeur peut être effectuée sous la forme :
d'un remboursement des sommes réellement dépensées ;
de remboursement de sommes calculées forfaitairement ;
d'un versement d'une somme globale correspondant à la rémunération et à l'indemnisation des frais professionnels.
Le plus souvent, les conventions ou accords collectifs prévoient le versement aux salariés d'indemnités forfaitaires pour les frais exposés par eux, dans le cadre de leur travail, à l'occasion du transport, des repas ou de l'hébergement. Dans ce cas, l'employeur doit se référer aux clauses concernées afin de mesurer l'étendue de son obligation.
Ainsi, aux termes des articles 8-21 des conventions collectives nationales des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du 8 octobre 1990, est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transports en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et figurant sur sa lettre d'engagement ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence.
Se fondant sur cette disposition conventionnelle, un ouvrier réclamait en justice le bénéfice de ces indemnités au motif que les seuls transports en commun existants impliquaient un temps de trajet ne permettant pas le respect de l'horaire de l'entreprise avec une prise de travail à 7h30.
De son côté, l'employeur arguait de l'existence d'un moyen de transport en commun mis à la disposition de l'ouvrier par le département du Puy-de-Dôme : un réseau de covoiturage.
Toute la question était donc de savoir si le covoiturage constitue ou non un moyen de transport en commun.
La réponse de la Cour de cassation est limpide.
Les juges se réfèrent à l'article L 3132-1 du Code des transports qui définit le covoiturage comme l'utilisation en commun d'un transport terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage de frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Ils en déduisent que le covoiturage n'est pas un moyen de transport en commun et que l'ouvrier était fondé à réclamer les indemnités de grand déplacement conventionnelles.
Portée de l'arrêt : cette décision est-elle transposable en droit de la sécurité sociale ?
En vertu de l'arrêté du 20 décembre 2002, tout salarié empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant son lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 km (aller ou retour) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (aller ou retour) est en situation de grand déplacement (BOSS-FP-1240).
L'employeur peut alors prendre en charge les dépenses supplémentaires de nourriture et de logement exposées :
soit en le remboursant intégralement : le remboursement des frais réellement exposés n'entre pas dans l'assiette des cotisations sociales si l'employeur prouve que le salarié a été ou est contraint d'engager ces frais supplémentaires dans l'exercice de ses fonctions, et s'il produit les justificatifs de ces frais ;
soit en lui attribuant une allocation forfaitaire destinée à compenser ses dépenses supplémentaires de logement et de nourriture : l'employeur est autorisé à déduire cette allocation forfaitaire de l'assiette des cotisations sociales, sans production de justificatif, dans certaines limites.
La décision prise par les Hauts magistrats le 15 septembre est-elle transposable à ce cas de figure (droit de la sécurité sociale) ? On peut supposer que cette jurisprudence s'applique aussi dans cette situation : le salarié pourrait bénéficier d'un remboursement de frais en dépit de l'existence d'un réseau de covoiturage.
Une confirmation jurisprudentielle ou administrative serait toutefois appréciable.
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