Une société traite du vin au profit de coopératives vinicoles par un procédé impliquant l'utilisation d'acide chlorhydrique. Des clients s'étant plaints d'une altération du vin, les coopératives poursuivent en réparation de leur préjudice la société et le fournisseur de l'acide chlorhydrique.
Une cour d'appel juge ce dernier responsable du préjudice à hauteur de 70 % pour les raisons suivantes : l’usage alimentaire d’un acide chlorhydrique de qualité technique est possible à condition de s’assurer que les résidus ou leurs dérivés dans le produit fini ne présentent pas de risque sanitaire. En l’espèce, l’acide vendu était porteur d’une molécule contaminante, conséquence d’une pollution, le rendant impropre à l’usage alimentaire. Or le fournisseur de l'acide chlorhydrique ne justifiait pas avoir informé la société l'ayant acheté que celui-ci était susceptible de comporter des impuretés.
La Cour de cassation censure cette décision. L'obligation d'information du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés. Or, aux termes des conditions générales de vente du fournisseur, l’acheteur devait s’assurer de la compatibilité des produits avec l’utilisation qu’il voulait en faire et il appartenait à la société acheteuse, en sa qualité de professionnel ayant fait le choix d’un usage à destination alimentaire, de s’assurer de cette possibilité en sollicitant de son vendeur les caractéristiques et spécifications de l’acide chlorhydrique.
Par suite, le fournisseur n’était pas tenu d’informer la société acheteuse sur les précautions d’emploi de l’acide chlorhydrique dans le processus alimentaire mis en œuvre par elle.
A noter :
Le vendeur professionnel est tenu d'une obligation d’information et de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et d'informer ce dernier de l'aptitude du produit ou du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue (Cass. 1e civ. 28-6-2012 n° 11-17.860 F-D : RJDA 11/12 n° 946 ; Cass. com. 20-6-2018 n° 17-14.742 F-D : RJDA 11/18 n° 919). Le vendeur est cependant dispensé de cette obligation d’information si l’acheteur dispose, en tant que professionnel, des moyens d’apprécier les caractéristiques du bien vendu (Cass. com. 11-3-2020 n° 19-11.742 F-D : RJDA 10/20 n° 478).
Il appartient donc à l’acheteur professionnel qui sait qu’il acquiert le produit en vue d’un usage spécifique d’interroger le vendeur sur la portée exacte des caractéristiques techniques du produit. La décision commentée apporte une nouvelle illustration de ces principes : en l'espèce, l'acheteur de l'acide chlorhydrique n'avait pas informé le fournisseur qu'il serait utilisé pour un usage alimentaire, alors en outre que le contrat précisait qu'il incombait à l'acquéreur de s'assurer de la compatibilité du produit avec l'usage projeté (ce qui explique à notre avis que l'arrêt soit fondé sur les dispositions du Code civil relatives à la force obligatoire des conventions et à l'exception de bonne foi).
Précisons qu’en présence d'un produit ou d'un matériel nouveau le vendeur demeure tenu de fournir à l'acquéreur, même professionnel, les informations nécessaires à son usage et les renseignements sur les risques pouvant en résulter (Cass. com. 27-11-2019 n° 18-16.821 FS-PB : RJDA 4/20 n° 204).
Documents et liens associés
Cass. com. 23-11-2022 n° 21-10.236 F-D, Sté Brenntag c/ Sté Agrovin