Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, doit fournir, préalablement à la signature du contrat, un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en toute connaissance de cause (C. com. art. L 330-3).
La société titulaire de la marque Tara Jarmon exploite sous cette enseigne un réseau de magasins de vêtements de prêt-à-porter féminin. Elle conclut avec une autre société un contrat de concession pour l'ouverture d'un magasin Tara Jarmon à Moscou ; après plusieurs années de collaboration, ces deux sociétés concluent un contrat de master-concession pour l'exploitation, par des sous-concessionnaires russes, de magasins à enseigne Tara Jarmon en exclusivité à Moscou, Saint-Petersbourg et Surgut.
A la suite de nombreux différends entre les parties, la société titulaire de la marque agit en résiliation du contrat aux torts de la société master-concessionnaire. Celle-ci réplique en soutenant avoir été victime d'un dol, faute notamment pour sa cocontractante de lui avoir remis le document d'information précontractuelle (DIP).
La société concédante était-elle tenue de fournir ce DIP, alors que le contrat de master-concession n'imposait aucune obligation d'exclusivité ou de quasi-exclusivité à la société concessionnaire, qui exploitait des magasins sous des marques concurrentes ?
La cour d'appel de Paris répond par l'affirmative : la notion d'exclusivité au sens de l'article L 330-3 du Code de commerce s'apprécie au regard de l'activité exercée au titre du contrat de master-concession et non pas de l'activité globale du candidat à la concession. Si la société master-concessionnaire disposait de la faculté d'exploiter d'autres activités concurrentes, elle était tenue à une exclusivité pour les produits Tara Jarmon couverts par le contrat de master-concession.
A noter : 1. Rendue en matière de concession, la solution est transposable à la franchise et de façon générale à tous les contrats de distribution. Rappelons que le contrat de master-franchise (ou de master-concession) permet au titulaire d'une marque de commerce exploitée sur son territoire national d'exporter son concept en en confiant le développement sur un territoire déterminé à un master-franchisé (ou à un master-concessionnaire).
2. La Cour de cassation s'est déjà prononcée en ce sens dans le cadre d'un contrat de franchise (Cass. com. 19-1-2010 n° 09-10.980 F-PB : RJDA 5/10 n° 495) : l'obligation d'exclusivité s'apprécie au regard de l'activité couverte par le contrat conclu entre les parties et l'obligation de fournir un DIP s'impose dès lors que le contrat met à la charge du distributeur une obligation d'approvisionnement exclusif ou quasi exclusif. L'exercice d'autres activités par le distributeur ne dispense pas le franchiseur ou le concédant de cette obligation. La remise du DIP a en effet pour objectif de permettre au candidat d'apprécier en connaissance de cause l'opportunité de rejoindre le réseau.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 21546