Les sommes versées par l’employeur aux salariés en application d’un accord d’intéressement bénéficient d’exonérations fiscales et sociales sous certaines conditions. Parmi celles-ci figure le respect des dates limites de conclusion et de dépôt de l’accord auprès de l’administration. L’accord doit ainsi être conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet (C. trav. art. L 3314-4). Et il doit être déposé auprès de l’administration du travail dans un délai de 15 jours à compter de cette date limite de conclusion (C. trav. art. D 3313-1).
A noter :
Pour une entreprise dont l’exercice correspond à l’année civile, la date limite de conclusion d’un accord prenant effet au 1er janvier d’une année N est le 30 juin de cette année N, et celle de dépôt de l’accord, le 15 juillet de la même année.
L’article L 3315-5 du Code du travail prévoit qu’un accord conclu ou déposé hors délai produit ses effets entre les parties, mais n'ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes après le dépôt. Autrement dit, le non-respect des délais entraîne la perte des exonérations pour l’exercice du dépôt (voire pour le ou les exercices antérieurs en cas de dépôt très tardif).
Attention :
En matière de preuve du respect du délai de dépôt, la Cour de cassation a jugé qu’il appartient à l’entreprise de produire le récépissé de dépôt des accords (Cass. 2e civ. 4-4-2018 n° 17-10.574 F-D).
Un redressement de l’Urssaf en raison du dépôt tardif de l’accord
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de faire application de ces dispositions en confirmant, sans surprise, la perte des exonérations sociales en cas de dépôt tardif de l’accord.
Dans cette affaire, une entreprise avait conclu un accord d’intéressement le 23 septembre 2014 pour une prise d’effet au 1er avril 2014, son exercice comptable courant du 1er avril au 31 mars de l’année suivante. En application du Code du travail, la date limite de conclusion de l’accord pour cet exercice était le 30 septembre 2014, tandis que la date limite de dépôt était le 15 octobre 2014. L’entreprise avait donc bien conclu l’accord dans les temps, mais l’avait déposé le 12 novembre seulement, hors délai.
Après un contrôle portant sur les années 2014 et 2015, l’Urssaf avait notifié à l’entreprise un redressement en considérant que le dépôt tardif de l’accord entraînait la perte des exonérations sociales au titre du premier exercice d’application de l’accord. La société avait saisi la juridiction de sécurité sociale mais avait été déboutée par la cour d’appel. Elle s’était pourvue en cassation.
Son pourvoi faisait notamment valoir que l’article L 3315-5 du Code du travail fixant la sanction du non-respect des délais de conclusion et de dépôt de l’accord d’intéressement prévoit la perte des exonérations fiscales et non sociales. Il est vrai que l’article mentionne la perte des « exonérations » sans plus de précisions et qu’il vient après les articles L 3315-1 à L 3315-4 qui détaillent uniquement les exonérations fiscales applicables à l’intéressement. Mais l’ensemble constitue un chapitre V intitulé « régime social et fiscal de l’intéressement », de sorte que la perte des exonérations englobe les aspects sociaux et fiscaux.
Une perte du droit aux exonérations sociales pour le premier exercice
C’est ce que retient la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en jugeant que, pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sociales sur les sommes versées au titre de l’intéressement, l’accord doit avoir été conclu et déposé dans les délais fixés par le Code du travail et que, lorsqu’il est déposé hors délai, il n’ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt.
En l’espèce, l’accord aurait dû être déposé au plus tard le 15 octobre 2014, mais ne l’a été que le 12 novembre 2014 : la cour d’appel en a exactement déduit que le droit à exonération de cotisations sociales n’était ouvert que pour les exercices ouverts à partir du 1er avril 2015, mais pas pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015. Le redressement est validé.
A notre avis :
Cette solution s’applique également aux décisions unilatérales de mise en place d’un régime d’intéressement permises par la loi 2020-734 du 17 juin 2020, qui valent accord d’intéressement (C. trav. art. L 3312-5, II), et aux accords d’entreprise ou documents unilatéraux permettant depuis le 1er novembre 2021 d’adhérer à un accord de branche d’intéressement agréé (C. trav. art. L 3312-8). Dans sa version actuelle, l’article D 3313-1 du Code du travail relatif au dépôt des accords d’intéressement, plusieurs fois réécrit, mentionne en effet explicitement ces deux catégories d’actes de mise en place de l’intéressement dans l’entreprise.
Documents et liens associés
Cass. 2e civ. 12-5-2022 n° 20-22.367 F-B, Sté X c/ Urssaf de Haute-Normandie