En juillet 2014, un actionnaire de société cotée franchit à la hausse puis, quelques jours plus tard, à la baisse le seuil de participation de 5 % dans le capital de la société. Trois semaines après (le 1er août), il franchit à nouveau à la hausse le seuil de 5 % avant d'augmenter encore, un mois et demi plus tard (le 17 septembre), sa participation par un achat de titres relativement important. Il ne déclare à la société et à l'Autorité des marchés financiers (AMF) le franchissement de seuil de 5 % qu'à la suite de ce dernier achat.
Reprochant à l'actionnaire de ne pas avoir déclaré dans les délais les franchissements du mois de juillet et du mois d'août en violation de l'article L 233-7 du Code de commerce (qui impose notamment la déclaration du seuil de 5 % à la hausse comme à la baisse), l'AMF le poursuit pour manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché (C. mon. fin. art. L 621-15). L'actionnaire réplique :
- que la déclaration des deux premiers franchissements de juillet, à quelques jours d'intervalle, aurait entraîné une dépense inutile (deux fois le coût de la contribution de 750 € prévue pour le dépôt auprès de l'AMF de la déclaration de franchissement : C. mon. fin. art. L 621-5-3 et D 621-27, 1°) ;
- qu'il était préférable de déclarer le nombre d'actions détenues au jour du dernier achat (le 17 septembre), plutôt que la position intermédiaire du 1er août puisque, à cette date, l'actionnaire avait décidé d'augmenter encore sa participation.
Ces arguments sont jugés inopérants par l'AMF : d'une part, le souhait d'économiser le double coût de la contribution de 750 € n’est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du manquement, qui revêt un caractère objectif, ce coût fût-il jugé par l'actionnaire « inutile, dénué de sens et extrêmement cher » ; d'autre part, l'article 223-14 du règlement général de l’AMF fixant le délai de déclaration ne prévoit aucune possibilité de différer la déclaration, y compris dans le cas où l'investisseur a l'intention d'accroître encore sa participation.
L'AMF sanctionne également l'actionnaire pour diffusion d'informations inexactes au marché à l'occasion de sa déclaration de franchissement du 17 septembre. En effet, la date de franchissement déclarée (le 17 septembre) était fausse puisqu'elle ne correspondait pas à celle où le seuil des 5 % avait été effectivement franchi (le 1er août). En outre, le nombre de titres déclarés (8,8 millions) était également inexact car l'actionnaire en détenait alors 9 millions, peu important, pour apprécier le caractère faux ou trompeur de l’information, que l’écart entre le nombre d’actions déclarées et celui des actions effectivement détenues n'ait été que de 2,3 %.
Pour l'ensemble de ces manquements, l'actionnaire a été condamné à une sanction pécuniaire de 60 000 €.
A noter : Tout franchissement de seuil de participation doit être notifié à la société et à l'AMF au plus tard avant la clôture des négociations du quatrième jour de bourse suivant le jour du franchissement (C. com. art. R 233-1 ; Règl. gén. AMF art. 223-14, I). La déclaration est obligatoire, même si les seuils sont franchis pour une courte durée. Quand une opération d’achat-vente se réalise dans un délai inférieur à cinq jours, l'ancienne Autorité de marché (la COB) estimait souhaitable que les déclarations de franchissement à la hausse puis à la baisse interviennent de manière concomitante (Rapport COB 1990 p. 196). A notre connaissance, cette position n'a pas été remise en cause par l'AMF.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 64356 et 64384