Une association d’aide aux maîtres d’ouvrage individuels a été agréée en qualité d’association de défense des consommateurs. En 2015, elle fait citer devant le tribunal correctionnel une société constructrice de maisons individuelles et ses dirigeants. Il leur était reproché d’avoir, notamment entre 2013 et 2015, exigé de plusieurs clients la remise du solde du prix de la construction de leur maison en violation de l’article L 231-4, II, du Code de la construction et de l’habitation. Par jugement du 17 juin 2016, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevables les citations directes au motif que l’agrément préfectoral valait pour le département de l’Essonne, et ne concernait pas les trois départements concernés par l’affaire. Cette décision a été confirmée en appel le 4 avril 2018 et, par arrêté préfectoral du 24 avril 2018, l’association a fait l’objet d’un retrait de son agrément.
Se prononçant sur le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel rendu le 4 avril 2018, la chambre criminelle a jugé le 29 juin 2019, sur le fondement de l’article L 621-1 du Code de la consommation, que si l’association a été agréée par arrêté du préfet de l’Essonne, elle justifiait agir pour la défense d’un intérêt collectif qui n’était pas strictement local. Elle a ainsi cassé la décision de la juridiction du second degré et renvoyé l'affaire devant une autre cour d'appel (Cass. crim. 29-6-2019 n° 18-82.617 F-D : BAF 5/19 inf. 125, RSC 2020 p. 93).
Après ce renvoi, les juges d’appel ont, le 5 novembre 2020, infirmé la décision de première instance. Ils ont déclaré que la citation directe de l’association appelante était recevable et que la société ainsi que ses dirigeants étaient coupables des infractions reprochées. Ils les ont condamnés à des peines d’amende, et solidairement à payer à l’association la somme de 3 000 € à titre de réparation du préjudice collectif des consommateurs.
Les mis en cause ont formé un pourvoi en cassation. Ils ont souligné que si, en matière de citation directe, la recevabilité de la constitution de partie civile qui met en mouvement l’action publique s’apprécie à la date de la citation, le droit, sur l’action civile, de demander réparation du préjudice subi s’évalue au jour où le juge statue. Or, en l’espèce, la cour d’appel a déclaré que l’association était recevable à demander réparation du préjudice car, à l’époque des faits et de la citation, son agrément était encore valable, alors qu’au moment où elle a statué, c’est-à-dire le 5 novembre 2020, l’agrément avait été retiré.
La Cour de cassation décide que l'association de protection des consommateurs ne peut pas solliciter la réparation d’un préjudice à l’intérêt collectif alors que son agrément, valable au moment des faits, lui a été retiré au jour où la juridiction a statué.
A noter :
Lorsqu’une association de défense des consommateurs se constitue partie civile en vue de défendre l’intérêt collectif, elle doit disposer d’un agrément en bonne et due forme (Cass. crim. 23-1-1992 n° 89-82.111 P : RTD com. 1993. 150, obs. B. Bouloc).
La jurisprudence joue un rôle très important dans la précision des exigences vis-à-vis de cette condition. Par exemple, l’association doit avoir été agréée antérieurement à sa constitution de partie civile, peu important que l’agrément soit postérieur à la commission de l’infraction (Cass. crim. 5-2-1986 n° 84-95.562 P). En revanche, le retrait de l'agrément au jour du jugement empêche l'association d'exercer les droits de la partie civile, comme l'énonce ici pour la première fois à notre connaissance la chambre criminelle.