La procédure de signalement des alertes prévue par la loi « Sapin 2 » (Loi 2016-1691 du 9-12-2016) comporte 3 degrés que, jusqu'à présent, le salarié doit respecter dans l'ordre, sous peine de se voir refuser l'application du statut protecteur attaché au lanceur d'alerte :
il doit, en premier lieu, porter le signalement en interne à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par ce dernier ;
ce n'est que si ce premier destinataire n'a pas vérifié la recevabilité du signalement dans un délai raisonnable que le salarié pouvait adresser celui-ci à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels ;
et seulement en dernier ressort, à défaut de traitement de l'alerte par lesdites autorités, dans les 3 mois de leur saisine, le salarié peut la rendre publique.
Par exception, l'alerte peut être portée directement à la connaissance des autorités précitées et être rendue publique en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles.
La loi 2022-401 du 21 mars 2022 supprime cette hiérarchie et offre au lanceur d'alerte la possibilité de saisir au choix l'un des deux premiers canaux d'alerte. Ce faisant, elle transpose les articles 7 à 15 de la directive UE 2019-1937 du 23 octobre 2019.
Procédure de signalement interne
Quelles personnes peuvent adresser un signalement en interne ?
Lorsque les informations relevant du domaine de l'alerte professionnelle ont été obtenues dans le cadre d'activités professionnelles et portent sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l'entreprise concernée, les personnes suivantes peuvent adresser un signalement en interne, notamment lorsqu'elles estiment qu'il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu'elles ne s'exposent pas à un risque de représailles (Loi 2016-1691 art. 8, I-A modifié) :
les salariés, anciens salariés et candidats à l'embauche ;
les actionnaires, les associés et les titulaires de droits de vote au sein de l'assemblée générale ;
les membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance ;
les collaborateurs extérieurs ou occasionnels ;
les cocontractants de l'entreprise concernée, leurs sous-traitants ou les membres du personnel et de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants.
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Selon quelles modalités ?
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, lorsqu'il n'existe pas de procédure interne de recueil et de traitement des signalements, le signalement d'une alerte peut, sans changement, être effectué auprès du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci (Loi 2016-1691 art. 8, I-B, al. 1 modifié).
Les entreprises d'au moins 50 salariés doivent toujours établir, après consultation des représentants du personnel, une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Ce décret devrait fixer notamment les garanties d'impartialité et d'indépendance de la procédure, et les délais de retour d'information à l'auteur du signalement.
La présente loi ajoute que, si elles respectent ces conditions, les entreprises de moins de 250 salariés pourront mettre en commun leurs procédures de recueil et de traitement des signalements (Loi 2016-1691 art. 8, I-B al. 2, 5 et 8 modifiés).
La loi précise également que la procédure de recueil et de traitement des alertes internes peut être commune à plusieurs ou à l'ensemble des sociétés d'un groupe, selon des modalités fixées par décret à paraître, lequel doit également établir les conditions dans lesquelles les informations relatives à un signalement effectué au sein d'une société du groupe peuvent être transmises à une autre de ses sociétés, en vue d'assurer ou de compléter leur traitement (Loi 2016-1691 art. 8, I-C modifié).
Procédure de signalement externe auprès d'autorités compétentes
Le lanceur d'alerte peut aussi soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement, adresser un signalement externe auprès (Loi 2016-1691 art. 8, II modifié) :
de l'autorité compétente parmi celles désignées par décret ;
du Défenseur des droits, qui l'oriente vers la ou les autorités les mieux à même d'en connaître ;
de l'autorité judiciaire ;
d'une institution, d'un organe ou d'un organisme de l'Union européenne compétent pour recueillir des informations sur des violations relevant du champ d'application de la directive du 23 octobre 2019.
Un décret à paraître doit fixer la liste des autorités compétentes pour recueillir et traiter les alertes externes, et déterminer également les garanties d'indépendance et d'impartialité de la procédure, les délais de retour d'information auprès des auteurs d'alertes, les modalités de clôture des signalements, les conditions de transmission d'une alerte d'une autorité externe à une autre plus compétente, etc.
Ces autorités peuvent, le cas échéant en commun, assurer la mise en place de mesures de soutien psychologique à destination des lanceurs d'alerte et leur accorder un secours financier temporaire, si elles estiment que leur situation financière s'est gravement dégradée en raison du signalement (Loi 2016-1691 art. 14-1 nouveau).
Conditions relatives à l'alerte publique
La divulgation publique d'une alerte reste possible en dernier lieu, après que le lanceur d'alerte a effectué les signalements internes et/ou externes et si aucune mesure appropriée n'a été prise en réponse aux signalements dans les délais requis.
Les cas dans lesquels une alerte peut directement être rendue publique sont étendus. Jusqu'à présent, ce n'était possible qu'en cas de danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général, notamment lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible.
La loi prévoit qu'une alerte peut être rendue publique directement dans les cas suivants :
en cas de danger grave et imminent ;
s'agissant d'informations obtenues dans le cadre d'activités professionnelles, en cas de danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général, notamment lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible ;
lorsque la saisine de l'autorité compétente fait courir un risque de représailles à l'auteur de l'alerte ou qu'elle ne peut permettre de remédier efficacement à l'alerte en raison de circonstances particulières (suspicion de conflit d'intérêt, risque de dissimulation ou destruction de preuve, collusion, etc.).
La loi pose cependant une exception notable : une alerte ne peut pas être immédiatement rendue publique si elle porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale (Loi 2016-1691 art. 8, III modifié).
Une meilleure protection des données personnelles liées au signalement
La présente loi complète les dispositions de l'article 9 de la loi « Sapin 2 » relatives à la protection des données personnelles et de la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte. Les éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ne peuvent être divulgués qu'avec son consentement, sauf à l'autorité judiciaire lorsque les personnes chargées du recueil et du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits auprès du juge. Dans ce cas, le lanceur d'alerte serait informé de cette divulgation à l'autorité judiciaire, à moins que cette information risque de compromettre la procédure judiciaire (Loi 2016-1691 art. 9, I modifié).
La loi ajoute des conditions concernant la conservation des données relatives aux signalements. Elles ne pourront être conservées que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes visées et des tiers mentionnés dans ces signalements, en tenant compte d'éventuelles enquêtes complémentaires (Loi 2016-1691 art.8, III modifié).
Entrée en vigueur
Ces dispositions s'appliqueront à compter du 1er septembre 2022, soit le premier jour du mois suivant la promulgation de la loi (Loi art. 18).