Un homme gratifie son épouse en secondes noces d’une donation entre époux de la plus forte quotité disponible (C. civ. art. 1094-1). Elle est agrémentée d’une clause de non-divorce rédigée en ces termes : « la présente institution contractuelle sera révoquée de plein droit en cas d’introduction d’une procédure de divorce ou en séparation de corps, ou encore en cas de jugement de divorce ou de séparation de corps passé ou non en force de la chose jugée, sauf volonté contraire du donateur. Cette volonté sera constatée par le juge soit au moment de l’introduction de la procédure en divorce ou en séparation de corps soit au moment du prononcé du divorce et rendra irrévocable l’institution contractuelle ». À la suite du suicide du donateur, sa veuve et leur enfant commun se prévalent de la donation au dernier vivant, tandis que ceux issus d’une première union dénient à leur belle-mère sa vocation légale conventionnelle. Raison invoquée : une procédure de divorce avait été introduite au jour du décès du donateur.
Pour valider la révocation de la donation entre époux, la cour d’appel se livre à une véritable exégèse.
Avant toute chose, elle rappelle le principe de licéité d’une telle clause dans une donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage.
Puis, elle précise que la requête en divorce constitue l’acte introductif de la procédure, peu important que l’instance à proprement parler ne soit ouverte que par l’assignation (procédure engagée avant le 1er janvier 2021 et donc en deux phases). La clause de non-divorce ne mentionne pas le terme « instance » mais celui de « procédure ». Par ailleurs, nul ne conteste que le défunt ait signé et fait déposer par son conseil une requête aux fins de divorce un mois avant son décès. L’absence d’enrôlement de la requête par le greffe, invoquée par la veuve pour contester la révocation, n’était due qu’à l’information qui lui avait été donnée du décès. En outre, l’accomplissement d’une telle formalité n’était pas exigé par la clause, et son absence ne pouvait, de surcroît, préjudicier au donateur, sa réalisation dépendant du seul greffe.
Enfin, elle relève que le vœu formulé par le défunt dans sa lettre d’adieu de laisser à son épouse « les biens qu’elle pourra tirer de la vente de la maison et des quelques meubles » ne caractérise pas sa volonté de maintenir les termes de la donation. Cela d’autant plus qu’une telle volonté aurait dû être constatée par le juge du divorce conformément à la clause de non-divorce.
A noter :
Belle démonstration de l’intérêt de stipuler une clause de non-divorce dans une donation de biens à venir entre époux, malgré la réforme du divorce de 2004 qui a rendu révocable ad nutum ce type de donation (C. civ. art. 265, al. 2 dans sa rédaction issue de la loi 2004-439 du 26-5-2004). Une telle clause répond à la situation dans laquelle le décès du donateur intervient en cours d’instance, ou avant que la décision qui prononce le divorce ou la séparation de corps ne prenne force de chose jugée.
Il est de principe que la clause de non-divorce dans une donation de biens à venir entre époux est valable (Cass. 1e civ. 13-12-2005 n° 02-14.135 FS-PB : BPAT 1/06 inf. 6), ce que n’ont pas manqué de rappeler les juges du fond.
Quelle efficacité lui reconnaître lorsque le donateur a déposé sa requête en divorce par l’intermédiaire de son conseil et décède peu après ? C’est à cette question que répond l’arrêt commenté. Une efficacité pleine et entière lorsque la clause fait référence expresse à « l’introduction d’une procédure de divorce ». La solution aurait été bien différente, en l’espèce, si la clause avait fait référence à « l’introduction d’une instance en divorce », et pour tout dire, favorable à la veuve puisque la révocation n’aurait pas pu être invoquée sur ce fondement à défaut d’assignation.
Par ailleurs, dès lors que le rédacteur d’acte met le curseur sur la seule introduction d’une procédure de divorce, à juste titre selon nous, et non pas également sur l’accomplissement par le greffe de formalités, il sécurise l’efficacité de la clause de non-divorce.
L’on peut rappeler que désormais, s’agissant des procédures introduites depuis le 1er janvier 2021, l’instance s’ouvre d’emblée par une assignation ou une requête conjointe (CPC art. 1107).
La mise en jeu de la clause de non-divorce peut-elle être neutralisée par son bénéficiaire ? Dans cette affaire, la veuve faisait valoir que son mari avait, aux termes de sa lettre d’adieu, souhaité revenir sur la révocation de la donation entre époux en exprimant son souhait qu’elle bénéficie de certains biens à son décès. On pouvait en douter compte tenu, outre l’absence d’annulation expresse de la révocation exprimée, du contexte dans lequel la lettre a été écrite. La formulation de la clause finissait d’écarter les doutes exigeant que la volonté contraire du donateur soit constatée par le juge au moment de l’introduction de la procédure en divorce ou au moment du prononcé du divorce. La veuve doit donc se contenter du quart légal en pleine propriété….