1. Le Conseil d’Etat juge pour la première fois qu’une indemnité de licenciement abusif versée à un salarié également mandataire social est exonérée d'impôt sur le revenu dès lors qu'elle est liée à la rupture de son contrat de travail. En revanche, est imposable comme un salaire l’indemnité visant à réparer un préjudice distinct, résultant de la perte de la possibilité de lever des stock-options.
Des faits relativement classiques
2. En l’espèce, le contribuable avait été recruté par une société de production de télévision en qualité de directeur du développement salarié. Parallèlement, des fonctions de direction, en qualité de mandataire social, de filiales de cette société lui avaient été confiées.
Un protocole, annexé à son contrat de travail prévoyait, en cas de licenciement non fondé sur une faute grave ou lourde, le versement d’une indemnité de 1 112 877 € en réparation de tous les préjudices subis. Ce protocole stipulait également l’attribution de stock-options à exercer au plus tôt cinq ans plus tard, à condition que le salarié soit alors toujours salarié de la société.
L’intéressé a été licencié six mois avant la date à compter de laquelle il pouvait exercer ses stock-options et la société a refusé de lui verser l’indemnité.
Le juge judiciaire a estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société à verser à l’intéressé, d’une part, l’indemnité prévue par le protocole annexé à son contrat de travail (indemnité versée en application de l’article L122-14-4 du Code du travail aujourd’hui repris sous l’article L1235-3) et, d’autre part, une somme de 12 millions d’euros en réparation du préjudice résultant de la perte de la faculté, du fait du licenciement, de lever les options de souscription d’actions prévues par le même protocole.
A la suite d’une procédure contradictoire, l’administration a soumis ces indemnités en tout ou partie à l’impôt sur le revenu.
Le juge administratif a donné raison à l’administration.
L’indemnité versée au salarié dirigeant peut bénéficier de l’exonération pour licenciement abusif
3. Le Conseil d’Etat tranche la question du régime fiscal de l’indemnité unique allouée à un salarié également mandataire social en réparation à la fois de la rupture de son contrat de travail avec la société tête du groupe et de la révocation simultanée des mandats sociaux qu’il détenait dans les filiales de ce groupe.
Il estime que la qualité de mandataire social ne fait pas obstacle à ce que l’intéressé puisse bénéficier de l’exonération prévue à l’article 80 duodecies, 1 du CGI en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour la fraction de l’indemnité visant à réparer la rupture de son contrat de travail.
La décision de la cour administrative d’appel de Paris qui s’était fondée sur l’unicité des fonctions exercées pour considérer que l’indemnité était imposable sur le fondement de l’article 80 duodecies, 2 du CGI est censurée pour erreur de droit.
4. On rappelle que l’article 80 duodecies, 1 du CGI, applicable aux salariés prévoit :
- une exonération partielle à hauteur d’un certain plafond, des indemnités de licenciement versées en dehors d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;
- une exonération intégrale pour les indemnités versées en cas de licenciement abusif en application de l’article L1235-3 du Code du travail (anciennement article L122-14-4).
L’article 80 duodecies, 2 du CGI relatif aux mandataires sociaux pose le principe de l’imposition des indemnités versées à l’occasion de la cessation de leurs fonctions. Une exception est prévue en cas de cessation forcée, notamment de révocation, l’indemnité étant alors exonérée dans une certaine limite.
Véronique JACQ