Le licenciement insuffisamment motivé est dépourvu de cause réelle et sérieuse
L’employeur qui licencie un salarié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel.
La lettre de licenciement doit impérativement mentionner à la fois l’inaptitude physique et l’impossibilité de reclassement : à défaut, la rupture sera nécessairement jugée dépourvue de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 9-4-2008 n° 07-40.356 FS-PB ; Cass. soc. 26-9-2012 n° 11-14.989 F-D).
Le licenciement étant abusif, les sanctions prévues par les articles L 1235-3 et L 1235-5 du Code du travail s’appliquent. Le salarié a donc droit à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi s’il compte moins de 2 ans d’ancienneté ou travaille dans une entreprise de moins de 11 salariés. Dans les autres cas, le juge peut proposer la réintégration, ou condamner l’employeur au versement d’une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire.
A notre avis : rappelons que, depuis le 19 août 2015 en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, et depuis le 1er janvier 2017 en cas d’inaptitude résultant d’une maladie ou d’un accident non professionnel, le médecin du travail peut, sous certaines conditions, dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement. Dans cette situation, la lettre de licenciement doit selon nous reprendre expressément la formulation adoptée par le médecin du travail sur l’avis d’inaptitude physique.
Cette exigence particulière de motivation de la lettre de licenciement est rappelée par la Cour de cassation dans un premier arrêt.
Il importe peu que l’employeur apporte la preuve, devant le juge, des efforts qu’il aura fournis en vue de chercher un reclassement. La lettre de licenciement fixe en effet les limites du litige, et doit permettre au juge de vérifier que le régime juridique spécifique lié à l’inaptitude physique a bien été pris en compte par l’employeur.
Un cumul d’irrégularités de fond ne justifie pas un cumul d’indemnités
Dans le second arrêt du même jour, l’employeur avait commis deux irrégularités de fond de nature à priver le licenciement pour inaptitude physique de cause réelle et sérieuse. La question soumise à la Cour de cassation était celle de savoir si, dans cette situation, le salarié pouvait prétendre au cumul des réparations.
En premier lieu, l’employeur n’avait pas consulté les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié : il avait ainsi méconnu une règle substantielle de procédure.
L’inaptitude physique du salarié étant consécutive à un accident du travail, la sanction spécifique prévue par l’article L 1226-15 du Code du travail en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement était encourue. A défaut de réintégration du salarié, celui-ci peut en effet prétendre à une indemnité d’au moins 12 mois de salaire, attribuée sans conditions d’effectif ni d’ancienneté.
En second lieu, la lettre de licenciement ne faisait pas état de l’impossibilité de reclasser le salarié, ce qui justifie en principe le versement de l’indemnité pour licenciement abusif (voir ci-dessus).
La Cour de cassation décide que, dans une telle situation, le préjudice du salarié n’est réparé que par une seule et même indemnité, au moins égale à la somme prévue par l’article L 1226-15 du Code du travail, soit 12 mois de salaire.
La Haute Cour avait déjà jugé que l’indemnité de 12 mois de salaire a vocation à couvrir l’ensemble des préjudices subis par le salarié, même si plusieurs manquements ont été commis par l’employeur (par exemple, en cas d’absence de recherche de reclassement et de non-consultation des délégués du personnel, Cass. soc. 16-12-2010 n° 09-67.446 F-PB), et qu’elle ne se cumule pas avec l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement (Cass. soc. 15-12-2006 n° 05-42.532 F-P).
Mais c’est la première fois, à notre connaissance, qu’elle se prononce sur le cumul de l’indemnité prévue par l’article L 1226-15 avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, la solution ne surprend pas, dans la mesure où une sanction spécifique a, en principe, un caractère exclusif des dispositions de droit commun.
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus sur cette question : Mémento Social n° 50045