Le salarié réintégré a droit à une indemnité d’éviction…
Selon une jurisprudence aujourd’hui bien établie, le salarié réintégré à la suite de l’annulation de son licenciement a droit au versement d'une indemnité d'éviction dont le montant correspond à la réparation de la totalité du préjudice subi entre son licenciement et son retour dans l’entreprise, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 25-1-2006 n° 03-47.517 F-P : RJS 4/06 n° 417 ; Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624 FS-PB : RJS 1/20 n° 15). En sont ainsi déduits les revenus d’activité ou de remplacement perçus le cas échéant pendant cette période (Cass. soc. 26-4-2006 n° 04-42.681 F-D : RJS 7/06 n° 828 ; Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360 F-D : RJS 5/18 n° 325), sauf, toutefois, en cas de violation d'une liberté fondamentale constitutionnellement garantie (par exemple, Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481 FS-PBRI : RJS 4/06 n° 488 pour un licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de grève ; Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122 FS-PB : RJS 2/19 n° 90 pour un licenciement prononcé en réaction à l’action en justice du salarié ; Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905 FS-PB : RJS 10/12 n° 785 pour un licenciement discriminatoire fondé sur l’état de santé).
… réduite en cas de demande de réintégration tardive
En l’espèce, le salarié avait été licencié le 27 juillet 2011 pour perte de confiance quelques jours après avoir sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Appelée à se prononcer sur la légitimité de ce licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel ayant retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.048 F-D). C’est devant la cour d’appel de renvoi que l’intéressé a, le 14 mars 2016, présenté, pour la première fois, une demande en nullité de son licenciement sur le fondement de la violation de sa liberté d’expression, dont il a été débouté. Cette décision a également été censurée par la chambre sociale qui, estimant que la nullité était encourue, a renvoyé à la cour d’appel de Paris le soin de déterminer notamment l’indemnisation du salarié (Cass. soc. 30-11-2017 n° 16-21.249 F-D). Celle-ci a ainsi condamné l’employeur à verser au salarié plus d’un million d’euros au titre de l’indemnité due pour nullité du licenciement pour la période du 28 octobre 2011, date de fin du préavis, au 28 novembre 2018, date de la réintégration. C’est cet arrêt qui est ici cassé au motif que les juges du fond n’ont pas examiné le moyen de l'employeur qui soutenait que le salarié avait présenté, de façon abusive, sa demande de réintégration tardivement.
En effet, la Haute Cour juge ici que le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de la nullité de son licenciement, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.
Ainsi, en cas de demande tardive de la réintégration, l’indemnisation du salarié n’est pas systématiquement réduite : elle ne peut l’être que si ce retard est abusif. En l’espèce, il reviendra à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur le caractère abusif ou non de la demande présentée après plus de 4 années de procédure.
A noter : La solution ici retenue pour l’indemnité due pour nullité du licenciement peut être rapprochée de celle dégagée à propos de l’indemnité accordée en cas de violation du statut protecteur des représentants du personnel, même si ces indemnités ne sont pas de même nature. Il a en effet été jugé de même que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative ou malgré un refus d’autorisation qui tarde abusivement à demander sa réintégration n’a droit qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande à celui de sa réintégration effective (Cass. soc. 7-11-2018 n° 17-14.716 FS-PB : RJS 1/19 n° 38).
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