Une société, marchand de biens, acquiert un immeuble en vue de le revendre par lots. Elle est placée en liquidation judiciaire. Le mandataire liquidateur signifie un congé pour vendre à un locataire à la fin de son bail sans mettre en œuvre la procédure d’information prévue par l’accord collectif du 9 juin 1998. Le locataire conteste la validité du congé au motif que la procédure prévue par cet accord n’a pas été respectée.
La cour d’appel annule le congé.
La Cour de cassation confirme : le placement de la société en liquidation judiciaire ne dispensait pas le mandataire liquidateur, qui avait délivré un congé pour vendre, de respecter les obligations du bailleur imposées par l’accord collectif du 9 juin 1998.
A noter : La solution est nouvelle.
Le liquidateur judiciaire qui, dans le cadre de sa mission, procède à la vente des biens du débiteur, est-il tenu, lorsqu’il délivre un congé pour vente, de respecter les dispositions de l’accord collectif du 9 juin 1998 lorsque l’appartement vendu s’inscrivait, avant la liquidation judiciaire, dans le cadre d’une opération de vente par lots soumise à ces dispositions ?
L’article 10, I de la loi 75-1351 du 31 décembre 1975 organise un droit de préemption au profit du locataire ou de l’occupant de bonne foi d’un local d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, lorsque la mise en vente de ce local est « consécutive » à la division en lots de copropriété de l’immeuble qui l’inclut. Il impose la notification au locataire d’une offre de vente avant toute vente au profit d’un tiers. En application de l’article 41 ter de la loi 86-1290 du 23 décembre 1986, un accord collectif a été signé le 9 juin 1998 entre les organisations de bailleurs et des organisations de locataires, accord relatif à la procédure à mettre en œuvre par le bailleur qui souhaite donner congé aux locataires pour mettre en vente plus de 10 logements dans un même immeuble. Il a été rendu obligatoire par un décret du 22 juillet 1999. Il a été suivi par un second accord du 16 mars 2005 rendu obligatoire par un décret du 10 novembre 2006. Ces textes prévoient une procédure d’information à l’intention des locataires concernés par une telle opération, couramment qualifiée de « vente à la découpe » et organisent le contenu et les modalités de cette information, qui doit précéder la notification de l’offre de vente.
L’article 10, II de la loi du 31 décembre 1975 est quant à lui applicable lorsque la vente a lieu par adjudication. Il prévoit que le locataire doit y être convoqué et qu’à défaut, il peut se substituer à l'adjudicataire. Cet article ne prévoit pas la notification préalable d’une offre de vente.
En pratique : en l'espèce, le liquidateur aurait donc pu faire vendre le bien sur adjudication sans adresser préalablement d’offre de vente au locataire et donc sans avoir à respecter les dispositions des accords collectifs. Le bien aurait été vendu loué. Mais dès lors qu’il avait délivré un congé pour vendre au locataire, celui-ci devait impérativement être précédé d’une offre de vente et de la procédure d’information prévue par l’accord collectif de 1998. Rien ne justifiait en effet de priver le locataire de la protection à laquelle il aurait eu droit si son bailleur n’avait pas été placé en procédure collective.
Anne-Lise COLLOMP, Conseiller référendaire à la Cour de cassation.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Gestion immobilière n° 64245