Le propriétaire d’un appartement d’habitation donné à bail en 2004 notifie le 26 avril 2013 à son locataire un congé pour reprise, à son profit, à effet du 1er novembre 2013. Le locataire ayant refusé de quitter les lieux, le bailleur le fait assigner devant le tribunal d’instance en validation du congé et en expulsion. Le locataire conteste la réalité du motif du congé et en demande l’annulation par application des dispositions nouvelles de l’article 15 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 issues de la loi Alur du 24 mars 2014 qui instaurent la possibilité pour le juge de procéder à un contrôle a priori de la réalité du motif de congé invoqué par la bailleur.
La cour d’appel retient que ces dispositions nouvelles ne sont pas applicables en l’espèce et rejette la demande d’annulation du congé.
Le pourvoi est rejeté : les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, telles que résultant de la loi du 24 mars 2014 ne sont pas applicables, le congé ayant été délivré et ayant produit effet en 2013.
A noter : la précision est nouvelle et utile. Les modalités d’application dans le temps de la loi du 24 mars 2014, dite loi Alur, qui a modifié de façon significative le régime des baux d’habitation instauré par la loi 89-462 du 6 juillet 1989, ne sont pas sans poser de nombreuses questions.
En l’espèce, le litige portait sur la validité d’un congé pour reprise. Avant la modification de l’article 15 de la loi de 1989 relatif au régime du congé, le juge ne disposait que d’un pouvoir de contrôle a posteriori du congé pour reprise, à moins que soit établie l’existence d’une fraude. La loi Alur a introduit d’une part l’obligation pour le bailleur de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise, d’autre part la possibilité pour le juge de vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations légales, et de déclarer le congé non valide si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
Le locataire demandait au juge de faire application en l’espèce de ce contrôle « a priori » du motif du congé, le bailleur n’ayant selon lui pas l’intention d’habiter ledit logement. Il soutenait que les dispositions nouvelles relatives aux pouvoirs de contrôle du juge étaient d’application immédiate aux « instances en cours au jour de leur entrée en vigueur ».
Or, la loi du 24 mars 2014 a prévu, dans son article 14, des dispositions transitoires : les contrats en cours à la date de son entrée en vigueur demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables, à l’exception de certaines dispositions limitativement énumérées qui sont d’application immédiate, et au nombre desquelles ne figuraient pas initialement celles relatives au congé.
La loi Macron du 6 août 2015, qui a modifié ces dispositions transitoires et prévu notamment que l’article 15, dans sa rédaction issue de la loi Alur, était applicable aux contrats en cours, n’était pas encore promulguée ni à la date du congé ni à la date de l’arrêt de la cour d’appel.
Le demandeur au pourvoi se prévalait de l’Avis rendu par la Cour de cassation le 16 février 2015 (n° 14-70.011), qui a précisé que l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi Alur, bien que non mentionné dans la liste des dispositions d’application immédiate, l’était néanmoins, « la loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ».
La Cour de cassation a légitimement écarté cette analyse : les dispositions nouvelles de l’article 15, en ce qu’elles autorisent désormais le juge à contrôler le caractère sérieux du motif du congé, ne sont pas applicables à un congé ayant été délivré et ayant mis fin au bail en 2013, soit avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014. Elles n’étaient donc pas applicables à la cause.
Anne-Lise COLLOMP, Conseiller référendaire à la Cour de cassation
Pour en savoir plus sur les baux à usage d'habitation : voir Mémento Gestion immobilière nos 61000 s.