Un fonds de commerce ne peut être mis en location-gérance que si le loueur, personne physique ou morale, a lui-même exploité ce fonds pendant au moins deux ans ou s’il a obtenu en justice la réduction ou la suppression de ce délai d’exploitation personnelle (C. com. art. L 144-3 et L 144-4). A défaut, le contrat de location-gérance est nul (art. L 144-10).
Le locataire-gérant d’un fonds de commerce demande l’annulation du contrat, car ce dernier a été conclu un mois et demi avant que le loueur obtienne une dispense judiciaire d'exploitation. En vertu des textes précités qui sont d’ordre public, fait-il valoir, la dispense doit être obtenue avant la conclusion du contrat et il n’est pas possible de déroger à cette obligation légale en concluant, comme en l’espèce, la location-gérance sous la condition suspensive de l’obtention de la dispense.
La Cour de cassation rejette ces arguments et déclare le contrat de location-gérance valable. En effet, les parties avaient conclu ce contrat sous la condition suspensive de l'obtention par le loueur d'une autorisation judiciaire le dispensant de la condition d'exploitation personnelle du fonds de commerce pendant au moins deux ans avant sa mise en gérance, et les parties avaient prévu, comme elles en avaient la faculté, que le contrat ne prendrait effet qu'à la date de la réalisation de la condition suspensive, laquelle était effectivement intervenue.
A noter : 1. Précision nouvelle à notre connaissance et d’une grande portée pratique.
Dans une précédente affaire où le loueur avait sollicité la dispense la veille de la signature du contrat de location-gérance et ne l’avait obtenue que trois mois plus tard, la Haute Juridiction avait cassé la décision d’une cour d’appel qui, pour refuser d’annuler le contrat, avait estimé que ce retard était imputable au procureur de la République et non au bailleur (Cass. com. 4-2-1997 n° 94-21.510 PB : RJDA 7/97 n° 901). On pouvait en déduire que la dispense d’exploitation personnelle devait nécessairement être préalable, ou au moins concomitante, à la location-gérance.
Mais le mécanisme de la condition suspensive permet de pallier cette exigence.
Pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016, comme dans la présente affaire, la réalisation de la condition suspensive a un effet rétroactif, de sorte que le contrat est réputé formé dès la date de l'acte (C. civ. ex-art. 1179), sauf clause contraire (Cass. 3e civ. 19-2-1976 n° 74-12.154 : Bull. civ. III n° 76). C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation prend soin de relever que les parties avaient reporté la prise d’effet de la location-gérance à la date de réalisation de la condition, c’est-à-dire à celle de l’obtention de la dispense.
Cette précaution n’est plus nécessaire dans les contrats conclus depuis le 1er octobre 2016 : désormais, le contrat sous condition suspensive ne devient « pur et simple » qu’à la date de l’accomplissement de la condition à moins que les parties n’aient conféré un caractère rétroactif à cet accomplissement (C. civ. art. 1304-6 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016).
2. Le propriétaire du fonds peut demander la dispense d’exploitation personnelle par requête auprès du tribunal de grande instance, en justifiant notamment qu’il est dans l’impossibilité d’exploiter le fonds lui-même ou par l’intermédiaire de préposés (C. com. art. L 144-4).
Par ailleurs, l’exigence d’une exploitation personnelle du fonds avant sa mise en location-gérance est écartée par la loi dans certaines hypothèses, par exemple pour les héritiers ou légataires d’un commerçant décédé ou encore pour les cinémas et théâtres.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Cession de parts et actions n° 65107