Un maintien aménagé jusqu’au 30 juin 2021 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire…
Les dispositions légales et réglementaires sont silencieuses quant au point de savoir si les garanties de protection sociale complémentaire mises en place dans l’entreprise doivent être maintenues au bénéfice des salariés dont le contrat de travail est suspendu et de leurs ayants droit.
Ce point n’a été tranché par l’administration qu’au regard des conditions d’application du régime social de faveur des contributions patronales de prévoyance, et plus précisément de celle tenant au caractère collectif et obligatoire des garanties financées.
Dans sa circulaire 32 du 30 janvier 2009 (fiche 7), la Direction de la sécurité sociale (DSS) a ainsi indiqué que ce caractère suppose que les garanties soient maintenues en cas de suspension du contrat de travail avec maintien total ou partiel du salaire. L’Acoss (devenue Urssaf Caisse nationale) a précisé que ce maintien s’applique aux salariés en activité partielle (AP) percevant une indemnisation à la charge de l’employeur (Circ. Acoss 36 du 24-3-2011, QR 48).
Ce principe a été repris au profit des salariés en AP dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire par l'article 12 de la loi 2020-734 du 17 juin 2020, modifié par l'article 8 de la loi 2020-1379 du 14 novembre 2020 pour la période du 13 mars 2020 au 30 juin 2021. Ses modalités ont été détaillées par la DSS dans son instruction 197 du 16 novembre 2020 (La Quotidienne du 8-12-2020).
… et reconduit à titre pérenne par l’instruction de la DSS du 17 juin 2021
L’instruction de la DSS du 17 juin 2021 reprend les développements de la fiche 7 de sa circulaire 32 du 30 janvier 2009 et les enrichit des préconisations données dans son instruction du 16 novembre 2020 pour les salariés placés en AP ou en activité partielle de longue durée (APLD).
Ces préconisations, ainsi que les exemples qui les illustrent, sont repris quasi sans changement, à l’exception toutefois de la prise en compte dans l’assiette des contributions du complément patronal d’indemnité : voir ci-dessous.
Ainsi, bien que le dispositif prévu par l’article 12 de la loi du 17 juin 2020 ait pris fin au 30 juin 2021, les salariés devront continuer à bénéficier de leurs garanties de prévoyance selon les modalités précisées par l’administration.
À défaut, ces garanties perdront leur caractère collectif et obligatoire et n’ouvriront plus droit au bénéfice de l’exonération plafonnée de cotisations sociales prévue par l’article L 242-1 du CSS.
La DSS prévoit toutefois, à titre temporaire, plusieurs tolérances afin de permettre aux entreprises de mettre en conformité avec ces règles l’acte de droit du travail instituant les garanties et le contrat, règlement ou bulletin d’adhésion.
Les développements de l’instruction du 17 juin 2021 sont commentés ci-dessous.
A noter :
L’instruction doit en principe être publiée sur le site www.circulaires.gouv.fr avant le 18 octobre 2021 pour être opposable aux Urssaf en cas de contrôle. Ses développements seront également opposables, en l’absence de publication sur ce site, en cas de reprise par le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS). Rappelons que le BOSS doit prochainement être enrichi d’un volet consacré à la protection sociale complémentaire (La Quotidienne du 1-4-2021). On espère que, si c’est le cas, l’administration en profitera pour résoudre les difficultés d’interprétation signalées ci-dessous.
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Le maintien des garanties s’impose pour toutes les périodes de suspension indemnisées
Sont notamment visées les périodes liées à une maladie, une maternité ou un accident ainsi que les périodes d’AP et d’APLD.
L’instruction distingue toutefois entre les périodes donnant lieu au maintien des garanties de prévoyance et de retraite supplémentaire et celles donnant lieu au seul maintien des garanties de prévoyance (Inst. I, A).
Les garanties de prévoyance et de retraite supplémentaire doivent être maintenues au profit du salarié et de ses ayants droit pour les périodes de suspension du contrat de travail donnant lieu (Inst. I, A) :
au maintien total ou partiel du salaire ;
à des indemnités journalières complémentaires financées au moins pour partie par l’employeur, qu’elles soient versées directement par lui ou pour son compte par l’intermédiaire d’un tiers.
Ce cas concerne, à notre sens, les suspensions de contrat de travail pour maladie, maternité ou accident.
Les garanties de prévoyance doivent être maintenues au profit du salarié et de ses ayants droit pour les périodes de suspension du contrat de travail donnant lieu au versement par l’employeur d’un revenu de remplacement.
Ce cas concerne notamment les salariés placés en AP ou en APLD, dont l’activité est totalement suspendue ou dont les horaires sont réduits, ainsi que toute période de congé rémunéré par l’employeur (reclassement, mobilité…). Le maintien ou la suspension des cotisations et prestations afférentes aux garanties de retraite supplémentaire mises en place dans l’entreprise est subordonné au fait que l’acte juridique les instituant et le contrat, règlement ou bulletin d’adhésion, le prévoient (Inst. I, A).
La répartition du financement entre l’employeur et le salarié peut être aménagée
En principe, l’employeur et le salarié restent redevables, pendant toute la période de suspension du contrat de travail donnant lieu à indemnisation, de leurs parts de contribution calculées selon les règles prévues pour la catégorie du personnel dont relève l’intéressé (Inst. I, B).
L’instruction admet néanmoins la possibilité de prévoir un maintien des garanties à titre gratuit pour l’employeur et le salarié (Inst. I, B).
A notre avis :
Dans ce cas, le financement des garanties maintenues est supporté par les contributions versées pour et par les salariés en activité dans l’entreprise.
L'application d'une répartition du financement des garanties plus favorable pour les seuls salariés dont le contrat est suspendu ne remet pas en cause le caractère collectif et obligatoire de ces garanties (Inst. I, B).
A noter :
L’instruction du 16 novembre 2020 indiquait qu’une telle répartition ne devait pas nécessairement, pour les salariés en AP ou en APLD, être formalisée par l’acte juridique mettant en place les garanties. Cette précision n’est pas reprise par l’instruction du 17 juin 2021.
Les contributions peuvent être calculées sur une assiette reconstituée
Les cotisations et prestations sont calculées (Inst. I, C) :
en l’absence de stipulations particulières de l’acte instituant les garanties, sur une assiette égale au montant de l’indemnisation versée dans le cadre de la suspension du contrat. Selon l’instruction, cette indemnisation correspond à l’indemnité légale, le cas échéant complétée de l’indemnité complémentaire ou conventionnelle versée par l’employeur ;
selon les stipulations de l’acte instituant les garanties, celles-ci pouvant prévoir :
le maintien de l’assiette des contributions et des prestations applicables avant la suspension du contrat de travail si celle-ci permet un niveau de prestations plus élevé,
une assiette reconstituée correspondant à la rémunération mensuelle des salariés soumise à cotisations de sécurité sociale établie à partir de la moyenne des 12 derniers mois.
A noter :
Il existe un doute sur le point de savoir si le complément d’indemnité versé par l’employeur doit obligatoirement être pris en compte dans l’assiette de calcul des contributions et prestations maintenues.
La rédaction de l’instruction du 17 juin 2021 semble indiquer que cette prise en compte est obligatoire dès lors qu’un complément patronal d’indemnité est versé.
Pourtant, dans le cadre du dispositif prévu par l’article 12 de la loi du 17 juin 2020 modifié, l’employeur pouvait choisir d’inclure ou non ce complément dans l’assiette des contributions de prévoyance (La Quotidienne du 8-12-2020).
Les exemples donnés par l’instruction du 16 novembre 2020 et repris à l’identique par celle du 17 juin 2021 ne permettent pas de trancher ce point puisqu’ils n’envisagent pas l’hypothèse où le salarié perçoit, en plus de son indemnité légale d’AP ou d’APLD, un complément patronal d’indemnité.
On espère que, lors de la reprise de ces dispositions dans le BOSS, l’administration lèvera ces incertitudes.
Les modulations d’assiette prévues par l’acte instituant les garanties peuvent ne concerner que certaines d’entre elles (Inst. I, C).
L’instruction du 17 juin 2021 ajoute, pour illustrer cette règle, l’exemple suivant aux exemples qu’elle reprend de l’instruction du 16 novembre 2020.
Exemple :
Un régime de prévoyance prévoit des garanties décès, invalidité et incapacité de travail calculées sur la base de la rémunération des salariés soumise à cotisations de sécurité sociale.
L’acte de droit du travail peut prévoir, en cas de suspension du contrat de travail pour les salariés placés en AP ou en APLD :
le maintien de l’assiette précitée pour les cotisations décès et invalidité (reconstitution de la rémunération des salariés soumise à cotisations de sécurité sociale sur la base de la moyenne des 12 derniers mois) ;
le calcul des cotisations et prestations d’incapacité de travail sur la base des indemnités d’AP.
Les plafonds d’exonération sont calculés sur la même assiette que les contributions maintenues
Les contributions de prévoyance sont exonérées de cotisations de sécurité sociale dans la limite d’un montant égal à la somme de 6 % du plafond de la sécurité sociale (soit 2 468 € en 2021) et de 1,5 % de la rémunération, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 12 % du montant du plafond de la sécurité sociale (soit 4 936 € en 2021) (CSS art. D 242-1).
A noter :
Le BOSS a opéré un changement de doctrine quant au plafond de la sécurité sociale pris en compte pour le calcul de ces limites d’exonération. Ce plafond est désormais forfaitaire et ne doit plus faire l’objet d’un prorata en fonction du nombre de jours travaillés (La Quotidienne du 1-4-2021). Un délai est accordé aux entreprises pour s’adapter à cette nouvelle règle (La Quotidienne du 8-4-2021).
Les limites d'exonération sont calculées, pour les salariés dont le contrat de travail est suspendu et pour la période de suspension, sur la même assiette que celle retenue pour le calcul des contributions et prestations (Inst. I, D).
A notre avis :
L’instruction du 17 juin 2021 ne reprend pas les tempéraments apportés à cette règle par l’instruction du 16 novembre 2020 pour les périodes d’AP et d’APLD (La Quotidienne du 8-12-2020). Pourtant, elle cite les exemples donnés par cette dernière pour illustrer ces tempéraments. On peut penser, pour cette raison, que l’instruction du 17 juin 2021 les maintient. On regrette toutefois que l’instruction du 17 juin 2021 ne soit pas explicite sur ce point et on espère que, lors de la reprise de ces dispositions dans le BOSS, l’administration lèvera cette incertitude.
Une application dès le 1er juillet 2021 assortie de plusieurs tolérances
L’instruction fixe au 1er juillet 2021 la date de son application tout en prévoyant des tolérances destinées à tenir compte des délais nécessaires à la mise à jour de l’acte de droit du travail instaurant les garanties dans l’entreprise et à éviter une interruption des droits des salariés au moment de la sortie de la crise sanitaire.
Pour l’année 2021
L’absence de mise à jour de l’acte de droit du travail instaurant les garanties et du contrat d’assurance groupe ne remet pas en cause, pour l’année 2021, le caractère collectif et obligatoire des garanties et donc le bénéfice de l’exonération plafonnée de cotisations sociales, dès lors que l’entreprise continue d’appliquer du 1er juillet au 31 décembre 2021 les préconisations de l’instruction du 16 novembre 2020 (Inst. I, E).
À partir de 2022
Si le contrat d’assurance groupe souscrit par l’entreprise est conforme aux préconisations de l’instruction du 17 juin 2021 au 1er janvier 2022, le caractère collectif et obligatoire des garanties ne sera pas remis en cause en raison de l’absence de mise en conformité (Inst. I, E) :
de l’accord de branche, de la convention collective ou de l’accord d’entreprise ou référendaire avant le 1er janvier 2025 ;
de la décision unilatérale de l’employeur avant le 1er juillet 2022.
À titre de dérogation, jusqu’au 30 juin 2022, l’absence de mise en conformité du contrat d’assurance groupe ne constituera pas un motif de remise en cause du caractère collectif et obligatoire des garanties dès lors que (Inst. I, E) :
cette absence résultera de l’impossibilité de tenir, avant le 1er janvier 2022, l’assemblée générale devant approuver la modification du contrat nécessaire à sa mise en conformité ;
l’instruction du 16 novembre 2020 continuera d’être appliquée du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.
A noter :
Afin de sécuriser le régime social des contributions de prévoyance, les entreprises doivent donc :
en 2021, maintenir le versement de ces contributions dans les conditions prévues par l’instruction du 16 novembre 2020 pour les salariés en AP ou en APLD et veiller au respect de cette instruction par leur organisme assureur ;
solliciter la mise en conformité de leur contrat d’assurance groupe avec l’instruction du 17 juin 2021 avant le 1er janvier 2022 ou avant le 1er juillet 2022 si une approbation par assemblée générale est nécessaire ;
si les garanties ont été instituées par décision unilatérale de l’employeur, mettre en conformité celle-ci avant le 1er juillet 2022 en suivant la procédure applicable à la modification des engagements unilatéraux de l’entreprise (information préalable du comité social et économique dans un délai suffisant et notification écrite auprès de chaque salarié dans l’entreprise) ;
si les garanties résultent d’un accord collectif d’entreprise ou d’un accord référendaire, modifier celui-ci afin de le mettre en conformité avant le 1er janvier 2025.
Le maintien des garanties demeure optionnel en cas de suspension du contrat non indemnisée
L’instruction du 17 juin 2021 reprend, sans modification, les indications données par la fiche 7 de la circulaire 32 du 30 janvier 2009 (circulaire abrogée).
Le fait que les garanties de protection sociale complémentaire ne soient pas maintenues au profit des salariés absents et ne bénéficiant d’aucune indemnisation ne remet pas en cause le bénéfice de l’exonération plafonnée de cotisations sociales prévue par l’article L 242-1 du CSS (Inst. II, A et B).
L’instruction rappelle néanmoins qu’en application de l’article 7-1 de la loi 89-1009 du 31 décembre 1989, dite « loi Évin », la couverture décès doit inclure une clause de maintien de la garantie décès en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité (Inst. I, A).
En cas de maintien des garanties et des contributions patronales de prévoyance, les limites d’exonération applicables à celles-ci doivent être calculées sur une rémunération reconstituée (Inst. I, A et B).
Par mesure de simplification, il est admis que la rémunération mensuelle à prendre en compte dans le calcul de la limite d’exonération est égale à la moyenne des rémunérations perçues au cours des 12 mois précédant l’arrêt de travail (Inst. I, A et B).