La plupart des opérations de rachat avec effet de levier (ou « leverage buy out ») proposent aux dirigeants et cadres de la société cible des plans d'accès au capital du holding de reprise dans des conditions préférentielles, en dehors du contexte légal des stock-options (« management package »). Mais l'administration fiscale se réserve le droit de requalifier le gain réalisé par le dirigeant et de le taxer en traitements et salaires, bénéfices non commerciaux ou revenus distribués en l'absence de véritable risque financier (BOI-RSA-ES-20-10-20-50 n° 20). Le contribuable perd alors le bénéfice du régime fiscal applicable aux plus-values de cession de titres et, le cas échéant, la possibilité d'imputer sur le gain de cession l'abattement pour durée de détention de droit commun ou majoré.
Dans la présente affaire, le dirigeant-associé de la société cible apporte les titres dont il est propriétaire à un holding de reprise et continue à exercer des fonctions de direction au sein de ce dernier, conformément à un pacte d'actionnaires conclu avec les investisseurs financiers. Lors de la cession du holding quatre ans plus tard, les investisseurs attribuent au dirigeant, en application d'une convention de partage de plus-value, une quote-part de leur propre plus-value. Celle-ci est déclarée par le dirigeant comme gain en capital taxable, à l'époque des faits, au taux proportionnel de 16 %. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration requalifie en salaire le supplément de prix de cession perçu par le dirigeant. Celui-ci, qui avait d'abord obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (TA Cergy-Pontoise 17-7-2014 n° 1209307 : RJF 12/14 n° 1100), vient de perdre en appel.
La cour administrative d'appel de Versailles retient que le gain que les investisseurs ont convenu de verser au manager a, compte tenu de ses conditions de versement et de ses modalités de calcul, essentiellement la nature, non de la compensation d’un risque encouru par l’intéressé en qualité d’investisseur, lequel trouve sa rétribution dans la plus-value retiré par lui-même de la cession de ses propres parts, mais celle d’un versement en capital, à caractère incitatif, par lequel les actionnaires du holding de reprise, à proportion de leur quote-part dans le capital de la société, ont décidé de rétribuer ensemble l’exercice effectif de ses fonctions de manager et les résultats et performances ayant résulté de cet engagement professionnel.
La cour souligne que, si la convention qualifiée de partage de plus-value pouvait se traduire par un gain pour le manager en cas d'atteinte des objectifs stipulés, dans l’hypothèse contraire, le gain de l’intéressé était nul, et aucune stipulation ne le contraignait à reverser des sommes. Ainsi, l’intéressé ne pouvait pas subir de perte à l’occasion de la mise en œuvre de cette convention.
Dans ces conditions, les sommes perçues par lui ne sauraient être regardées comme résultant d’un risque en capital. Elles ne relèvent donc pas des dispositions de l’article 150-0 A du CGI mais constituent un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires.
A noter : les outils et mécanismes d'intéressement au capital sont nombreux. L'existence d'un risque en capital dépend donc fortement des circonstances de chaque espèce. Pour le cas où le risque d'investisseur a été reconnu, voir par exemple un jugement du tribunal administratif de Paris du 16 juillet 2016 (TA Paris 16-7-2016 n° 1431589 : RJF 12/16 n° 1082).