La nécessité pour le mandataire d’obtenir une autorisation du juge afin de vendre le logement du majeur protégé est souvent vue comme l’une des faiblesses du mandat de protection future. Pour y remédier, le Conseil supérieur du notariat (CSN) a proposé de permettre au mandant d’autoriser expressément, dans le mandat, le mandataire à vendre sa résidence principale ou secondaire sans autorisation du juge (Rapport « Lever les freins au développement du mandat de protection future : les propositions du notariat », oct. 2022, voir SNH 38/22 inf. 11).
Interrogé par un parlementaire sur cette proposition, le ministre de la justice rappelle que le logement de la personne vulnérable, qu’il s’agisse de sa résidence principale ou secondaire, fait l’objet d’une protection particulière par l’article 426 du Code civil, applicable à toutes les mesures de protection juridique, dont le mandat de protection future. Du fait de son emplacement dans la section « Dispositions générales » du chapitre relatif aux mesures de protection des majeurs et de son objectif de protection des droits fondamentaux de la personne vulnérable, cet article déroge aux dispositions donnant pouvoir au mandataire, dans le cadre d’un mandat notarié, pour réaliser seul tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir de réaliser seul ou avec une autorisation du juge (C. civ. art. 490).
La mise en œuvre de cette protection est caractérisée par un contrôle judiciaire, indispensable puisqu’il a pour objet de protéger le lieu de vie de personnes vulnérables. En effet, l’autorisation du juge est requise pour disposer des droits relatifs au logement du majeur, c’est-à-dire le vendre ou résilier le bail (C. civ. art. 426). Dans ce cadre, le juge doit vérifier que :
l’acte de disposition portant sur le logement est nécessaire ou dans l’intérêt du majeur ;
l’avis médical indiquant que le maintien à domicile n’est plus possible, requis lorsque la vente ou la résiliation a pour finalité l’accueil du majeur dans un établissement, a été obtenu.
Le ministre relève que la proposition du CSN aurait nécessairement pour effet d’accélérer la vente du logement ou la résiliation du bail, mais risquerait de porter une atteinte importante aux intérêts fondamentaux des personnes vulnérables.
L’objectif d’accélération de la vente du logement ou de la résiliation du bail est atteignable par d’autres moyens moins attentatoires à ces droits et libertés fondamentaux, notamment par le biais de bonnes pratiques visant à traiter prioritairement ces requêtes, ajoute-t-il.
Dès lors, bien que la proposition du CSN soit intéressante, il n’est pas prévu à ce stade de la mettre en œuvre.
A noter :
L’application des dispositions de l’article 426 du Code civil au mandat de protection future n’a pas encore été tranchée par la Cour de cassation. Plusieurs cours d’appel ont toutefois considéré que le mandat de protection future y était soumis (CA Rennes 29-10-2013 n° 13/00748 ; CA Paris 2-3-2021 n° 19/18583), rejoignant en ce sens la position majoritaire en doctrine (par exemple, Dalloz Action Protection de la personne vulnérable 2021/2022, voir Protection des repères fondamentaux de la personne protégée par N. Peterka et A. Caron-Déglise, no 212.13).
Dans son rapport, le CSN invite à distinguer les mesures de protection. Celles subies, comme la tutelle ou l’habilitation familiale, justifieraient de protéger le majeur contre les initiatives malheureuses de son représentant par application impérative de l’article 426. En revanche, la mesure anticipée que constitue le mandat de protection future, expression de l’autonomie de la volonté du majeur, devrait lui permettre, s’il le souhaite, de confier au mandataire choisi par ses soins le pouvoir de décision relatif à son logement sans l’intervention du juge.
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