1. Jusqu’à présent, si des éléments portés à leur connaissance laissaient présumer que les données personnelles de la personne décédée n’avaient pas été actualisées, les héritiers pouvaient exiger du responsable qu’il procède à leur mise à jour (Loi 78-17 du 6-1-1978 art. 40, al. 6).
Une telle disposition étant insuffisante pour protéger les données d’une personne décédée, un véritable statut de la « mort numérique » va désormais permettre à chacun de s’assurer du sort futur de ses données après décès.
Issu de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, ce dispositif illustre le principe introduit par cette même loi, suivant lequel « toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant » (Loi de 1978 art. 1 modifié).
L’entrée en vigueur de ces dispositions est subordonnée à la publication d’un décret d’application.
Des directives à cause de mort
2. La loi nouvelle précise expressément que les droits d’opposition, d’accès et de rectification des données s’éteignent au décès de leur titulaire (Loi de 1978 art. 40-1, I-1e phrase nouvelle). Il s’agit en effet de droits personnels non transmissibles et non de droits patrimoniaux.
Toutefois, ces droits pourront être maintenus à certaines conditions (Loi de 1978 art. 40-1, I-2e phrase nouvelle).
Ainsi, toute personne pourra adopter des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données personnelles après son décès. Ces directives, qui peuvent être générales ou particulières, définissent la manière dont la personne entend que ses droits soient exercés après son décès. Celle-ci pourra les modifier ou les révoquer à tout moment (Loi de 1978 art. 40-1, II-al. 1, 5 et 7 nouveaux).
Lorsque les directives prévoient la communication de données qui comportent également des données personnelles relatives à des tiers, cette communication doit s’effectuer dans le respect de la loi de 1978 (Loi de 1978 art. 40-1, II-al. 6 nouveau).
Toute clause contractuelle des conditions générales d’utilisation d’un traitement portant sur des données personnelles limitant les prérogatives reconnues à la personne en vertu de ce dispositif sera réputée non écrite (Loi de 1978 art. 40-1, II-al. 9 nouveau).
3. Directives générales. Les directives générales concerneront l’ensemble des données à caractère personnel se rapportant à la personne concernée et pourront être enregistrées auprès d’un tiers de confiance numérique certifié par la Cnil. Les références des directives générales et du tiers de confiance seront inscrites dans un registre unique dont les modalités et l’accès seront fixés par un décret (Loi de 1978 art. 40-1, II-al. 2 et 3 nouveaux).
Entendu lors des travaux parlementaires, le CSN a indiqué que le notaire pourrait être le « tiers de confiance numérique » visé par le texte dans la mesure où la profession est soumise à des règles strictes de confidentialité, d’impartialité et de déontologie. Quant au « registre unique », un registre semblable a déjà été mis en place par le notariat : le fichier central des dispositions de dernières volontés (Rapport AN n° 3399 déposé le 15-1-2016). Le pouvoir réglementaire sera-t-il sensible à ces appels du pied à l’heure de préciser les modalités d’application du dispositif ?
En amont de ces deux derniers points, il nous semble que les directives générales pourraient naturellement prendre place dans un testament.
4. Directives particulières. Les directives particulières concerneront uniquement les traitements de données personnelles mentionnées par ces directives. Elles seront enregistrées auprès des responsables de traitement concernés. Elles devront faire l’objet du consentement spécifique de la personne concernée et ne pourront résulter de la seule approbation par celle-ci des conditions générales d’utilisation (Loi de 1978 art. 40-1, II-al. 4 nouveau).
Là encore, de telles directives devraient être admises en la forme testamentaire pourvu qu’elles respectent la condition d’enregistrement énoncée, qui semble ici obligatoire et non facultative comme cela paraît être le cas pour les directives générales (n° 3).
Personne chargée d’exécuter les directives
5. Les directives pourront désigner une personne chargée de leur exécution. Celle-ci aura alors qualité, lorsque la personne sera décédée, pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés. A défaut de désignation ou, sauf directive contraire, en cas de décès de la personne désignée, ses héritiers pourront prendre connaissance des directives au décès de leur auteur et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés (Loi 78-17 de 1978 art. 40-1, II-al. 8 nouveau).
Sous réserve d’une disposition du testament en ce sens, l’exécuteur testamentaire que peut désigner tout testateur afin de veiller à l’exécution de ses dernières volontés (C. civ. art. 1025) devrait à notre avis être en mesure de remplir le rôle de la personne chargée de l’exécution des directives.
Rôle des héritiers
6. En l’absence de directives ou de mention contraire dans les directives, les héritiers de la personne concernée pourront exercer ses droits dans la mesure nécessaire :
- à l’organisation et au règlement de la succession du défunt ;
- à la prise en compte, par les responsables de traitement, de son décès. A ce titre, les héritiers pourront faire procéder à la clôture des comptes utilisateurs du défunt, s’opposer à la poursuite des traitements de données personnelles le concernant ou faire procéder à leur mise à jour.
Lorsque les héritiers en feront la demande, le responsable du traitement devra justifier, sans frais pour le demandeur, qu’il a procédé à ces opérations.
Les désaccords entre héritiers seront portés devant le tribunal de grande instance compétent (Loi 78-17 du 6-1-1978 art. 40-1, III nouveau).
A l’instar du CSN lorsqu’il commenta le projet de loi au stade de la grande concertation nationale effectuée (www.republique-numerique.fr), on regrettera l’absence de définition des « héritiers » et de fixation d’un rang spécifique de priorité entre eux (même s’il en existe un, bien entendu, pour la dévolution légale).
Emmanuel de LOTH